Un autre regard sur la visite du Pape François en République démocratique du Congo.

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À l’occasion de son 40ème voyage apostolique et seulement le cinquième en Afrique, j’ai décidé de prendre du recul et de réfléchir sur la visite du Pape en RDC du 31 janvier au 3 février 2023. Cette visite a-t-elle atteint ses objectifs et y a-t-il des leçons à en tirer ? Pour m’aider dans cette réflexion, les Pères Alois Kituba, prêtre SMA de la République Démocratique du Congo basé à Lyon et Godefroid Mombula Alekiabo, à Kinshasa.

 

(Photo d’illustration) – Le pape François avec le président de la République démocratique du Congo, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le 31 janvier à Kinshasa, en République Démocratique du Congo. ( Crédit photo AP/Gregorio Borgia).

Le Pape François a enfin réalisé la promesse faite au peuple congolais et spécialement aux chrétiens catholiques. La longue attente liée à cette visite a pris fin le mardi 31 janvier 2023 à 15h, heure locale, lorsque l’avion du pape atterrissait et que celui-ci a pu fouler le sol congolais. Scènes de joie, de liesse pour les populations amassées le long des avenues et des artères principales de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo.

Dominic : Tous les médias du monde ont relayé la visite du Pape comme événement planétaire, mais la vraie question est de savoir ce que cette visite a produit dans le cœur des Congolais, surtout chez les chrétiens catholiques ? Qu’est-ce que la visite du Pape a apporté au peuple congolais ?

Alois : « L’attente est fruit de l’espérance, le peuple congolais a été honoré et consolé par la visite du Pape, qui a fait naître de l’espoir par le message de l’appel à la réconciliation du peuple congolais, ruiné et dévasté par plus de trois décennies de guerre et de violence, surtout dans la partie EST (Goma, Kivu, etc) du pays.

« TOUS RECONCILIÉS EN JESUS-CHRIST » était le résumé du message du Pape François lors de sa visite au Congo. Ce message invitait tout le peuple sans exception, en partant des politiciens, des hommes de religion jusqu’au petit peuple afin de pouvoir presque faire l’écho de l’hymne national du Congo : « debout congolais, unis par le sort… », un appel à l’unité et à la fraternité sans laquelle on ne peut avoir une paix durable. »

Dominic : La violence dans cette région en a fait l’un des pays comptant le plus grand nombre de personnes déplacées au monde, soit quelque 5,6 millions de personnes, selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Quelles leçons tirées de cette visite papale en RDC ?

230201111833 05 pope francis africa tour 013123 kinshasa 300x200Alois : « Dans son message de remerciement au Pape François, le Cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa a présenté le peuple congolais comme « un peuple qui souffre » ; un peuple victime de la violence, des rebellions, de la guerre et de la mauvaise gestion de ses ressources naturelles par les prédateurs étrangers en complicité avec les fils du pays. Oui, le peuple congolais souffre, c’est pourquoi l’invitation à la réconciliation est la solution pour l’unité du Congo mais aussi du peuple africain.

(Photo d’illustration) – Des personnes réagissent à l’arrivée du pape François à Kinshasa, mardi. ( Crédit photo Reuters/Yara Nardi).

L’appel du Pape François s’adresse aussi à tout le peuple africain. Mettre fin à l’exploitation illicite des richesses de l’Afrique, « Retirez vos mains du Congo ; Retirez vos mains de l’Afrique. Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. Que l’Afrique soit protagoniste de son destin ! » fut l’autre appel vibrant du Pape François aux prédateurs colonialistes du monde qui veulent exploiter sans réserve l’Afrique. »

Dominic : La République Démocratique du Congo a été une colonie de la Belgique entre 1908 et 1960. Cette année-là, elle a obtenu son indépendance à la suite de la politique des Nations unies qui a mis fin aux dernières colonies. Quels enseignements pour les catholiques du Congo à l’issue de cette visite ?

Alois : « La RDC qui, entre 1971 et 1997, était connue sous le nom de Zaïre, compte plus de 40% des chrétiens catholiques en son sein, représentés par une population jeune et active ; le Pape a lancé un appel aux jeunes à l’unité et à la fraternité, les invitant à fuir et éviter la gangrène de la corruption qui ronge le pays et freine son développement, le pape invite la jeunesse congolaise à embrasser les valeurs de l’honnêteté et de la transparence qui sont les valeurs que le Christ a enseignées. Le message du Pape vaut pour les catholiques africains, surtout pour les jeunes, espoir de l’avenir du continent. 

The Pope is coming to DRC 1 300x200Le pape François est le deuxième pape à se rendre en République démocratique du Congo, après saint Jean-Paul II, qui s’était rendu dans ce pays en 1980 et 1985, alors qu’il s’appelait Zaïre. La joie, l’excitation, l’allégresse générées par la visite du Pape François auprès de ceux qui étaient présents à Kinshasa, l’ont été aussi pour tous les Congolais vivant à l’extérieur du pays, « nous étions tous honorés que le Pape puisse enfin réaliser sa promesse, notre attente a été comblée, le Pape a touché du doigt la réalité de la vie du peuple congolais.

(Photo d’illustration) Un panneau d’affichage en RDC annonce la visite du pape François.

Le message a touché toutes les couches de la population, personne n’est laissée sans bénéfice des paroles du Pape, l’appel à la conversion, à l’unité, la recherche de la paix, n’est-ce pas tout ce à quoi aspire notre humanité ? La visite du Pape a fait écho auprès de tous les chrétiens catholiques comme une présence du Christ au milieu d’eux : « nous avons vu le saint Père, il nous a parlé, c’est comme si le Christ lui-même était là qui nous parlait, dans sa simplicité, malgré son âge… » n’ont cessé de témoigner les chrétiens catholiques à travers les rues de Kinshasa.

Le message du Pape au peuple congolais a fait renaître de l’espoir pour la consolidation de la paix, de l’amour afin de bâtir un pays toujours plus beau, toujours plus prospère. C’est au peuple congolais, voire africain, de faire bon accueil, de faire germer dans leur cœur ce que le Pape François a semé pendant sa visite ».

Dominic : Ce voyage, avait été prévu pour le mois de juillet de l’année dernière, mais l’état de santé du pape François a contraint à le reporter.

Avec environ 35 millions de fidèles, soit 50 % de la population, l’Église catholique est la plus grande confession religieuse de la RDC. « L’impact de l’Eglise catholique en RDC est difficile à surestimer. Ses écoles ont formé plus de 60 % des élèves du primaire et plus de 40 % des élèves du secondaire du pays. L’Église possède et gère un vaste réseau d’hôpitaux, d’écoles et de cliniques, ainsi que de nombreux autres projets », a déclaré le Père Godefroid Mombula Alekiabo, de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie, (CICM), professeur et secrétaire académique de l’Université Saint Augustin, à Kinshasa, la capitale du pays, lors d’une conférence en ligne organisée par l’AED (Aide à l’Église en détresse) le 16 janvier.

Une grande partie de l’influence de l’Église en RDC date de l’époque coloniale, mais « l’inversion du rôle de l’Église par rapport à l’État depuis l’indépendance a été frappante. Autrefois alliée fiable, elle est devenue de plus en plus la critique institutionnelle la plus sévère de l’État », explique le prêtre congolais.

« Un conflit ouvert a éclaté en 1971 lorsque l’État, dans le cadre de ses efforts pour centraliser et étendre son autorité, a nationalisé les écoles catholiques. Le conflit s’est intensifié en 1972 lorsque, dans le cadre d’une campagne d’authenticité, tous les citoyens ont reçu l’ordre d’abandonner leurs noms de baptême chrétiens et d’adopter des noms africains. Le regretté cardinal Joseph Albert Malula a protesté contre cette décision. Le régime a riposté en forçant le cardinal à s’exiler pendant trois mois et en saisissant sa résidence », a déclaré l’orateur au public en ligne.

230201110826 02 pope francis africa tour 020123 kinshasa 2 300x200Les interdictions ultérieures de la fête de Noël, la nationalisation des écoles et le remplacement forcé dans le pays des images du pape et des crucifix par des portraits de Mobutu ont été de courte durée. « Le manque de compétences et de ressources de l’État en matière de gestion a fait de sa prise en charge du système éducatif un désastre. Face à ces réalités, le Président a demandé aux institutions religieuses de reprendre la responsabilité des écoles confessionnelles.

(Photo d’illustration)Des fidèles accueillent le pape François à son arrivée à l’aéroport de N’Dolo. (Crédit photo AP/Moses Sawasawa).

Les cours de religion ont été à nouveau intégrés dans le programme scolaire« , explique le père Mombula, qu’aujourd’hui, « par rapport à l’État, l’Église est considérée comme une voix d’opposition aux régimes autoritaires.« 

La visite du pape est maintenant derrière nous mais, comme le saint Père a conclu dans son homélie en lingala : « moto azali na matoyi ya koyoka, ayoka, oyo azali na motema ya kondima, andima ! » (Que celui qui a les oreilles pour entendre, qu’il entende, celui qui a le cœur pour appliquer qu’il applique).

                                                                                                            Par Dominic wabwireh

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