La première évangélisation et l’annonce du mystère du salut : Histoire et actualité

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La première évangélisation et l’annonce du mystère du salut : Histoire et actualité
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Emile Lyon 2020La première évangélisation consiste à apporter le Christ au monde qui ne le connaît pas encore. Elle a pour contenu l’annonce du Royaume de Dieu et le salut libérateur apporté par le Christ. Elle s’inscrit dans la conceptualisation de la forme du christianisme que les missionnaires européens ont apportée, en l’occurrence, à l’Afrique avec ses bagages socioculturels, sociaux, théologiques et spirituels.

Remarquons que souvent, la rencontre entre les communautés africaines et les missionnaires chrétiens a été ambiguë, tout comme la rencontre avec le colonialisme.

[1]

En quoi consiste l’évidence du salut de l’Afrique subsaharienne apportée par la première évangélisation à partir de son contexte historique (18ème siècle) à nos jours ? Cette période nous intéresse particulièrement à cause des épreuves, de l’intensification et du développement de l’œuvre d’évangélisation occasionnée par l’émergence en Europe et en Amérique des sociétés et des mouvements missionnaires (catholiques et protestants) vers l’Afrique.

LE CONTEXTE HISTORIQUE ET ECCLESIAL 

Notre regard porte sur le contexte historique ecclésial du 18ème siècle. Celui-ci est marquée par le siècle des Lumières (1715-1789) et la révolution française ((1789-1799). Le 19ème siècle, est quant à lui, est une période pendant laquelle l’activité missionnaire de l’occident en Afrique a fleuri et plusieurs européens ont tenté de tourner la page à beaucoup de choses à la suite de la Révolution française. Cela s’est caractérisé par des bouleversements dans les sphères sociopolitiques et religieuses. Les Lumières et les découvertes scientifiques jettent des doutes sur le dogme chrétien et influencent la réflexion intellectuelle quant à la compréhension de la foi chrétienne. Les philosophes du soupçon tels que Nietzsche, Karl Max, Freud, etc, ôtent toute valeur à la religion et même vont jusqu’à prôner sa mort, sous prétexte que la croyance en Dieu impose à l’homme de respecter des principes, lesquels le dépossèdent, par moment de sa liberté. Le christianisme est perçu comme une source d’aliénation. Sur le plan politique, les conquêtes coloniales ont contribué à l’expansion de l’activité missionnaire et à croire à la double vocation divine de l’Europe : évangéliser et civiliser le reste de l’humanité avec les valeurs occidentales dites universelles.

LES METHODES D’EVANGELISATION

La méthode « tabula rasa »

La méthode tabula rasa considère la culture indigène comme satanique et « fétichiste », c’est-à-dire comme quelque chose appartenant au royaume du diable, et donc devant être vaincue et abolie. Celui qui voulait être chrétien, était obligé d’abandonner son héritage culturel. L’évangélisation chrétienne était hostile aux « médiations religieuses autochtones du sacré ». Néanmoins, certains Pères des Missions Africaines comme : Francis Aupiais au Dahomey et Kevin Caroll au Nigéria, ont été de véritables promoteurs des valeurs culturelles africaines. Ils ont eu une grande influence dans l’organisation de la première exposition internationale de la culture indigène des terres de mission au Vatican.[2]

Le système d’isolement

L’isolement des nouveaux convertis est l’une des principales méthodes que les missionnaires ont considérées comme efficaces pour atteindre leur objectif de « christianiser » et de « civiliser » la population africaine. Le but visé était également de leur inculquer la culture chrétienne et la culture dite « civilisée ». Cela opposait également les adeptes à leur communauté d’origine.

La théologie du salut des âmes

LuangwaLa théologie du salut des âmes et celle de « pas de salut hors de l’Église » ont amené les missionnaires à se concentrer sur l’administration des baptêmes et sur les rites sacramentels. Les missionnaires, surtout de tradition catholique, mesuraient leur succès par le nombre de baptêmes et de mariages chrétiens qu’ils avaient célébrés.

Ces trois méthodes d’évangélisation parmi tant d’autres montrent la passion « d’évangéliser et de civiliser » qui animait les missionnaires pour le salut des africains. Quelles conséquences pouvons-nous tirer de cette façon de faire pour aujourd’hui ?

CONTEXTE D’ACTUALISATION

La contextualisation de la pratique missionnaire en Afrique nous donne de lever le voile sur la mission en Europe aujourd’hui, qui fut jadis le berceau de l’évangélisation du continent africain.

En Europe : Nous disons avec Karl Rahner que le christianisme est dans une situation de diaspora. Le monde dans lequel vivent les chrétiens n’est plus un « monde chrétien ». Parfois, le chrétien est « solitaire parmi les siens ».[3] Il s’agit d’une « nécessité inhérente à l’histoire du salut ». Jean Rigal, quant à lui, nous invite à considérer la situation actuelle comme un rappel que l’Esprit nous adresse pour ouvrir des routes inédites en ces temps qui nous sont donnés.[4] Malgré tous les défis, l’Eglise ne cesse pas de vivre sa vocation missionnaire. Elle utilise les nouveaux moyens de communication dans sa pratique d’évangélisation.

En Afrique :

*Sur le plan religieux : Nous sommes dans un contexte où le concept d’évangélisation ou de mission a évolué. Il est passé du paradigme de la mission ad gentes (aux nations dans l’obscurité) à celui de la mission inter gentes (parmi les peuples), cum gentibus (avec les peuples) et de dialogue interculturel. Il combine de manière complexe de nouvelles approches de l’évangélisation avec les catégories de témoignage, d’inculturation, de dialogue, de sauvegarde de l’environnement et de développement durable.

*Sur le plan social : Les missionnaires ont dispensé à l’Africain une formation toute en conservant sa culture et son mode de vie pour éviter de l’européaniser. À l’égard des républiques bananières dans la plupart de nos pays africains, l’Église est devenue la voix des sans voix pour décrier les injustices et les corruptions.

Education*Sur le plan éducationnel : À travers les écoles, le christianisme a apporté un sentiment d’indépendance religieuse et la légitimation subséquente de l’autonomie de la conscience individuelle. Beaucoup d’élites furent formées dans les établissements catholiques.

*Sur le plan technologique : Aujourd’hui, la manière d’évangéliser a évolué grâce aux nouveaux moyens de communication. Grâce à eux, nous avons les grandes émissions interactives pour aborder tous les sujets de société. Nous pouvons, avec le pape saint Jean Paul II, parler de la nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne. Le besoin est ressenti d’effectuer un discernement attentif et partagé pour comprendre le mieux possible les potentialités que cet espace offre en vue d’annoncer l’Évangile, mais aussi pour en saisir correctement les risques et les dangers.[5]

            En somme, l’Europe semble connaître une crise, tandis que nous assistons en Afrique aux conséquences positives de la première évangélisation par l’évolution du christianisme. L’homme africain connaît grâce aux missionnaires un développement quasi-général. D’ailleurs, L’Eglise d’Afrique participe au salut du continent européen et des autres continents par les missionnaires qu’elle leur fournit.

CONCLUSION

Divine Mercy NdolaLa mission de l’Eglise se comprend comme universelle : personne n’est a priori exclu de l’offre du salut apporté au monde par le Christ.[6] La première évangélisation n’a pas seulement contribué à apporter la Bonne Nouvelle du Salut au peuple africain. Les missionnaires, apôtres de l’Evangile, ont œuvré dans le sens d’une double mission : celle d’évangéliser et de civiliser. Baignant dans un contexte idéologique occidental de la supériorité de la race blanche et de sa mission civilisatrice vis-à-vis des Africains considérés comme des êtres inférieurs et sans culture, l’évangélisation s’est faite sur l’ignorance et la destruction des croyances, des valeurs et pratiques culturelles du continent au sud du Sahara. Cela remet en cause le résultat issu de la première évangélisation.

Grâce à la nouvelle conception de l’évangélisation depuis Vatican II, les valeurs culturelles africaines vont être réhaussées par la méthode d’inculturation. Un double mouvement de richesse se met à jour. Le missionnaire s’enrichit de la culture africaine et la société africaine s’enrichit de la des fruits de la mission. La société africaine connaît une évolution dans les domaines : spirituel, éducatif et le bien-être général. Bien que les méthodes d’évangélisation diffèrent de celles du passé, le clergé africain sait s’adapter à la mondialisation pour mener à bien sa mission de salut.

« L’Église a le devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, (…) Il importe donc de connaître le monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations, son caractère souvent dramatique. »[7]

Malgré l’urgence de l’évangélisation aujourd’hui, le clergé africain proscrit toute forme de prosélytisme pour laisser place au témoignage de vie missionnaire. Car comme le disait le pape Jean Paul II, le protagoniste de la mission ecclésiale est le Saint-Esprit.[8]

                                                                                                                                       APPRABOE Kouakou Emile, sma Lyon

 


[1] Cf. Elochukwu UZUKWU, « inter-spiritual encounter : Igbo (West African) indigenous Religious search for harmony and the Christian meditation of the Sacred » in Spirituality of the Universal Church, p. 155 ; Ch. H. Kane, Ambiguous adventure, Paris, Union Générale d’Editions, 1993. La première édition date de 1962. Cité par Paul Saa-Dade Ennin, « Chritianisme missionaire et spiritualité en Afrique subsaharienne », in Théologie Africaine, Eglise et Sociétés, n°11, Institut Catholique Missionnaire d’Abidjan, 2017, p.33.

[2] Paul SAA-DADE ENNIN, Op cit, P. 33.

[3]   Cf. Karl RAHNER, L’Eglise face aux défis de notre temps. Etudes sur l’écclésiologie et l’existence chrétienne, Œuvres 10, Christophe THEOBALD (dir), Paris, Cerf, 2003, p. 9.

[4] Cf. Jean RIGAL, L’Eglise en quête d’avenir, Réflexions et propositions pour des temps nouveaux, Paris, Cerf, 2003, p. 31.

[5] Cf. SYNODE DES ÉVÊQUE, XIIIème Assemblée générale ordinaire. La nouvelle génération pour la transmission de la foi chrétienne. Instrumentum laboris n°12, Cité du Vatican 2012.

[6] Marie-Hélène ROBERT, « Pour que le monde croie ». Approche théologique de l’évangélisation, Lyon, Profac, 2014, p. 235.

[7] Concile Vatican II, Gaudium et spes, n°11.

[8] Jean Paul II, Redemptoris Missio, n°21.

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