Le 5 octobre 2018, de 19h00 à 20h00, la chapelle des Missions africaines du 150 cours Gambetta à Lyon (69007) a servi de cadre pour une veillée de prière en faveur de la libération du père Pier Luigi Maccali, missionnaire sma italien enlevé au Niger le 17 septembre 2018. Animée par Mgr Michel Cartatéguy, archevêque-émérite de Niamey, la célébration a connu la participation d’environ 150 personnes d’origines diverses, venues de la ville de Lyon et ses environs.
Le 17 septembre 2018, la famille sma a appris avec émotion la nouvelle de l’enlèvement du père Pier Luigi Maccalli qui travaillait jusqu’à présent dans la mission de Bomoanga au Niger, près de la frontière avec le Burkina Faso.
Le Niger était un pays relativement pacifique qui pratiquait une « tolérance religieuse » entre la majorité musulmane (98%) et la minorité chrétienne (2%). Cependant, depuis 2015, la situation s’est dégradée lorsqu’un journal français, Charlie Hebdo, a publié des caricatures offensant les fidèles musulmans. Cela a provoqué des soulèvements populaires à la suite desquels 45 églises furent incendiées, 10 personnes tuées, des nombreux blessés… À travers tout le pays, la célébration de la messe a été suspendue. C’est dans ce contexte que le père Pier Luigi a poursuivi sa mission parmi les plus abandonnés de Bomoanga.
Depuis son enlèvement, à travers le monde, des veillées de prières sont organisées, des messes sont célébrées. Une seule intention : la libération du père Pier Luigi Maccalli. Dans la chapelle sma plein à craquer, les participants sont installés dans le hall central du CCA, le Carrefour des cultures africaines, et jusque dans les couloirs de la maison des pères. Sur fond de musique, la cérémonie a commencé par la présentation de l’unique relique des stations du chemin de croix retrouvée dans l’une des églises ayant survécu à l’incendie de l’événement regrettable de 2015. La sculpture en bois de la première station indique la condamnation de Jésus à mort. La prière des fidèles est d’obtenir de Jésus condamné à cause de nos fautes, la libération pour le père Pier Luigi et pour tous les autres otages retenus au Sahara à cause de leur foi. Ce soir-là, douze d’entre eux de différents pays ont été rappelés, neuf connus et trois inconnus.
Dans son introduction, Mgr Michel a déclaré : « Ils voulaient brûler tout ce qui, à leurs yeux, représentait le monde chrétien occidental. » En montrant la relique qu’il a lui-même rapporté de Niamey, l’archevêque commente : « Après les événements du 15 janvier 2015, j’ai trouvé dans une église complètement brûlée, dévastée et pillée, sous la cendre, ce bois. Cela symbolisait à mes yeux une église qui effectuait un pèlerinage vers sa crucifixion sur les traces de Jésus, car elle n’est pas au-dessus de son maître. Tout n’a pas été brûlé ; tout n’était pas réduit en cendres. La partie restante de ce bois est plus importante que celle qui a été obscurcie par la violence, la haine et la rébellion contre les chrétiens. »
Mgr l’archevêque poursuivit son propos en citant la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens : « En toute circonstance, nous sommes dans la détresse, mais sans être angoissés ; nous sommes déconcertés, mais non désemparés ; nous sommes pourchassés, mais non pas abandonnés ; terrassés, mais non pas anéantis. Toujours nous portons, dans notre corps, la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi, soit manifestée dans notre corps. » (2Co 4, 8-10). Et le prélat de conclure : « Je suis convaincu que ces mots forts, pleins d’espoir, résonnent avec notre cher frère captif… j’ai souvent entendu la consternation des familles lorsque leurs enfants venaient à être recrutés dans les griffes de Boko Haram ou d’Al-Qaeda, les exposant ainsi à l’évidence de la mort. J’espère que ce soir nous pourrons rejoindre ces familles et leurs jeunes afin qu’ils puissent eux aussi connaître la joie de la libération. Nous ne sommes pas ici pour goûter à l’efficacité, mais nous sommes persuadés que notre prière, bien que fragile, rejoindra celle de notre frère. Tous les otages croyants, au moment de leur libération ont témoigné à quel point les prières des autres et les leurs les avaient aidés à persévérer jusqu’au bout. Qu’il en soit de même pour notre frère et pour les autres otages du Sahara. »
Ce moment de prière fut aussi un temps d’écoute des témoignages, notamment celui du père Pier Luigi, lu par le père François du Penhoat, supérieur provincial sma de Lyon : « À mon arrivée à Niamey, on m’a conseillé de participer à un programme dans lequel je devais apprendre le gurmancema pendant six mois. C’est durant cette période que j’ai rencontré pour la première fois l’expression « pastorale de la natte » de Mgr. Berlier (le premier évêque de Niamey). La pastorale de la natte était pour lui une méthode missionnaire à suivre en tant que témoin de la foi chrétienne sur cette terre où l’islam est répandu. L’icône d’un tapis signifiait une approche amicale et fraternelle du peuple nigérien : vas t’asseoir sur le même tapis sans intention de conversion ou de parler explicitement de la foi catholique. Une présence donc, qui nécessite l’écoute et le respect de l’autre… La contemplation du visage de Dieu est notre mission première. Sur le tapis de prière, nous témoignons également de notre foi devant nos frères musulmans, qui attachent une grande importance à la soumission à un Dieu unique dans leur prière quotidienne… »
Le père François poursuivit : « Le dialogue est certainement le moyen le plus favorable dans un domaine fortement influencé par l’islam… nous avons la possibilité d’échanger des points de vue de manière informelle lorsque nous nous rendons sur le marché et chaque jour, des simples salutations nous apprennent à dire la paix : Salam alekum. »
Le travail missionnaire au Niger est certainement une chance, un cadeau de Dieu et une opportunité pour toute la Société des missions africaines. Cela nous offre une perspective différente de la mission, parfois oubliée : la mission de prière, de patience et de confiance (Missio Dei), le fait d’être tout simplement présent, de devenir un « petit » catalyseur, de pratiquer le dialogue et l’amitié avec l’islam en dépit des gifles reçues du revers. C’est un privilège d’être ici, d’être là ! Peut-être avons-nous oublié la béatitude des pieds : « Comme ils sont beaux, les pas des messagers qui annoncent les bonnes nouvelles ! » (Rm 10, 15) Pieds sales, poussiéreux et fatigués, mais heureux d’avoir accompli l’essentiel… c’est ici que ma vocation missionnaire devient une réalité, jour après jour, au service d’une Église pauvre, d’un clergé local en constitution, de la minorité… les défis sont immenses et les conditions de départ ne sont pas toujours avantageuses, mais cela ne nous empêche pas d’espérer qu’un jour, même le « désert prospérera » …
En Afrique du Nord, un missionnaire a été surpris par le comportement d’un bédouin. De temps en temps, l’homme gisait sur le sol recouvert de sable du désert, les oreilles appuyées contre le sol. Pris au dépourvu, le missionnaire lui demanda : « Que fais-tu là ? » Le Bédouin se releva et répondit : « Mon cher ami, j’entends le désert pleurer. Il pleure parce qu’il veut être un jardin ».
Avant de terminer, Mgr Michel, au nom des pères sma, a remercié tous ceux qui se sont réunis pour prier pour le père Pier Luigi et d’autres captifs au Sahara ce soir-là.
Dominic Wabwireh
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