Une succession de vingt-deux chapitres très courts et bien articulés aide le lecteur à entrer dans une nouvelle dynamique de la politique en général et africaine en particulier, pour aujourd’hui, partant du constat des dérives à la prise en compte de défis et à la proposition de « clés de salut ». Je prends le parti de présenter chaque chapitre pour lui-même en citant régulièrement l‘auteur.
L’auteur commence par épingler la course au matérialisme cause première du mal-être contemporain : « Ce qu’il faudrait savoir, c’est que la conquête aveugle du matériel a ouvert grandement la porte à la crise identitaire de l’être humain ». Le terrorisme, l’une des composantes de cette crise, « est l’expression parfaite de notre humanité qui a résolument pris le chemin de la violence »
En dénonçant, avec les évêques de France, la perte du sens de service dans la politique, constatons qu’en Afrique cela a conduit à « la recherche aveugle et [au] maniement abusif du pouvoir, [à] l’attitude égoïste et criminelle du politique qui ne jure que par ses intérêts [qui] font que les vies humaines […] sont sacrifiées ». Parcourant les multiples causes auxquelles achoppent les élections en Afrique, que ce soit au niveau individuel ou social ou mondial, il cite le Président Barack Obama affirmant que « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes » puis il souligne que « l’éducation est la clé du salut ».
Une autre ouverture serait « l’alternance démocratique, pacifique, sans effusion de sang [tandis qu’elle demeure pour l’Afrique] un défi majeur et crucial » … « l’alternance démocratique est un principe moral [… et] de justice ». Appel sans détour adressé aux dirigeants pour leur sens du service. Mais les cultures africaines sont elles-mêmes imprégnées d’un sens du pouvoir qui est héréditaire et aboutit souvent au tribalisme et à toutes ses déviances destructrices. Ne peut-on pas alors penser que « l’éducation et la formation des consciences à la lumière des valeurs évangéliques restent la clé du salut pour le continent africain pour vaincre le virus de l’illusion politique. »?
Le défi premier est de combattre le « pouvoir du mirage politique » en dénonçant la collusion du politique et des médias qui asservit le peuple. Il faut déjà sortir de » l’analphabétisme politique » et évacuer les faux espoirs offerts par des opposants dont « la réalité du pouvoir politique semble être au-delà de leurs forces. » Ainsi pour neutraliser la manipulation exercée par ces derniers la seule clé « est fondamentalement la formation d’une conscience politique des populations africaines, afin qu’elles soient capables de discerner et de décider, par elles-mêmes […] » pour ne plus être « complice de son propre suicide, voire de son propre génocide. ».
Mais face à toutes les turpitudes du monde politique et de leurs agents comment ne pas baisser les bras et permettre que « l’espérance en un lendemain meilleur se noie continuellement dans l’océan de la désolation. » En effet aujourd’hui l’Afrique est le champ de bataille de la violence mortifère dans tous les domaines car c’est « un univers qui réalise dans toute sa splendeur le dessein inouïe de Satan… » qui nous empêche de construire la paix car son monde est sans Dieu.
Nous voilà au cœur de la réflexion de l’auteur : « l’essence de la Paix n’atteint sa plénitude qu’en Dieu seul. Dieu est Paix et la Paix est Dieu. Rechercher la Paix, signifie avant tout et par-dessus tout retourner à Dieu la source de la Paix. Cette perspective, cette dimension manque énormément dans tous les processus de recherche de Paix à travers le monde. » Un exemple est celui des conditions qui amènent les populations à se déplacer, aux individus à émigrer, et, le résultat est encore la pauvreté, la faim, la mort. L’Église a là une mission très claire, celle d’ « approfondir la vocation chrétienne […] vivre, au nom de Jésus, la réconciliation entre les peuples, et promouvoir la paix et la justice dans la vérité. (Africae Munus art. 1). » « Sans l’option préférentielle pour les pauvres, l’annonce de l’Évangile, qui demeure la première des charités, risque d’être incomprise ou de se noyer dans un flot de paroles. (Evangelii Gaudium art. 199) ».
Mais devant toutes ces violences et ces injustices se pose toujours la question de l’identité de Dieu et de son projet sur l’humanité. Les chrétiens en Église sont invités à « redire dans un langage à forte dose d’espérance que l’humanité [qu’il a] voulue pour l’homme est une humanité basée non sur la violence mais sur l’amour. » C’est un type de relation tout nouveau basé sur l’Alliance et que Dieu instaure entre lui et l’humanité vécue pleinement en Jésus Christ. Par son incarnation il offre à l’homme l’objet de son rêve : le bonheur qui n’est pas dans le matériel mais qui se trouve dans l’amour. Or l’amour est éternel et « le Christ conduit l’humanité de la civilisation de la violence à la civilisation de l’Amour. »
La politique en Afrique devrait renaitre de l’Amour. Les Africains « aspirent profondément à une vision politique qui incarne l’ordre et la stabilité, et qui en essence, est force motrice d’un développement intégral. » « Le peuple doit être capable d’élire et de démettre ses élus en toute quiétude et sans effusion de sang. » Pour cela il nous faut mettre l’accent sur nos systèmes éducatifs. « L’éducation en Afrique doit être à la fois universelle et contextuelle c’est-à-dire en revoyant notre respect pour les cultures et établissant la mise en place de véritable partage démocratique.
Ainsi pour que la politique redevienne l’affaire de tous, « il faut enseigner dans nos familles, dans nos écoles, dans nos églises, dans nos quartiers, dans nos villages, à nos citoyens à chérir les valeurs positives et saines de la politique. Il faut éduquer nos concitoyens à la vie et à la culture politique [… et les disposer] à se mettre résolument au service des autres et à les défendre pour l’amour de la justice et de la charité. »
Cette histoire politique des hommes elle est de toujours et ainsi le monde africain invité à relire les Écritures découvrira que seule la miséricorde peut relever le défi de ces désastres politiques. « C’est de la miséricorde que naît l’espérance en des cieux nouveaux pour l’homme. » Que l’homme africain se laisse éclairer par Dieu, qu’il écoute « cette voix sublime qui se laisse entendre dans la loi de la nature. Respecter et aimer la nature de chaque chose […] Si l’homme ne respecte pas sa propre nature, il lui sera difficile de respecter la nature des autres créatures. »
Michel Bonemaison sma
Rome le 8 octobre 2017
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