Carnet de bord, Libéria

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Carnet de bord, Libéria
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panneau1Les formalités accomplies, nous voici parti en direction du Comté de Bomi à Tubmanburg chez le Père Gareth Jenkins, une figure de la SMA au Liberia, il a traversé avec courage la guerre civile, (pris en otage durant plus d’un mois) et l’épidémie de Ebola. Il est arrivé en 1971 au Liberia et toujours en poste et actif sur le terrain. Il est la mémoire de ces deux tragédies qui ont ébranlé ce pays.

 

Accueil chaleureux semblable à des retrouvailles alors que nous ne nous sommes jamais rencontrés auparavant. Garry (les gens aiment l’appeler ainsi) est heureux que des journalistes s’intéressent à la situation de ce pays que les médias ignorent maintenant. Que dire d’un pays qui essaie de se relever après deux si lourdes épreuves ?

On ne ressent aucune agressivité ni méfiance vis-à-vis de l’étranger, les gens nous saluent volontiers et les enfants sont souriants et joueurs. Quand nous attendions à la banque, une grand-mère arrive suivie de sa petite fille curieuse de ce qui l’entoure. Je lui tends les bras, aussitôt elle se jette dans mes bras sans l’ombre d’une hésitation. Ici, on ne sent pas l’hyperactivité des villes africaines que je connais. Même dans les rues, à l’exception peut-être des taxis, les gens nous laissent passer malgré le flot de véhicules. Sur la route, nous devions acheter des fruits, arrivés à un étal, personne ne bouge, nous devons héler le vendeur, alors que dans d’autres régions d’Afrique, dès que tu t’arrêtes, une nuée de petits vendeurs t’entourent et ne te lâchent plus.

Bomi, est une région montagneuse au sous-sol riche en minerai de fer. Nous découvrons les ruines d’une usine d’extraction, la nature est en train de la manger. Dans les années 70, elle fut la plus grande usine d’extraction du minerai de l’Afrique de l’Ouest, la guerre l’a ruinée et les bâtiments ont servi de garnison. C’était une région florissante avant la guerre. Il y a eu une nouvelle tentative, malheureusement, juste avant Ebola et l’usine est là, inactive. La guerre et Ebola ont tué ce pays. Nous croisons encore beaucoup de véhicules de l’ONU alors qu’officiellement, sa fonction de sécurisation est terminée. Mais son départ entraîne une chute importante de ressources pour ces populations qui vivent de petits commerces. Cela va créer à nouveau un déséquilibre, c’est pourquoi, sa présence est encore visible.

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Le Père Gareth est intarissable, il faut dire que son vécu n’est pas banal. C’est un ancien militaire, et il a su surmonter les situations les plus dramatiques. La mission n’était pas clôturée, au début de la rébellion, on lui a demandé pourquoi ne pas construire un mur de sécurité. « S’ils attaquent, je ne pourrai pas m’enfuir ! ». Pris en otage par les rebelles, il s’est retrouvé en Guinée. Un espace derrière la mission où surgit une croix blanche est le lieu où sont enterrés 225 enfants morts de faim durant la rébellion. Les rebelles, avait rassemblé femmes et enfants sur le terrain de la mission, Gareth parti chercher de la nourriture, n’a pu revenir. Lieu terrible du souvenir de ces atrocités.

Durant la rébellion, il n’a pas eu peur ni des rebelles, ni des roquettes qui tombaient tout près, mais il a connu la peur avec Ebola. C’est un ennemi invisible mais surtout, il vous coupe de vos proches et vous risquez de devenir une menace pour ceux que vous aimez. Il a dû construire une barrière autour du bâtiment, car les malades refoulés de toute part venaient à la mission. N’étant pas équipé pour se protéger, il ne pouvait les laisser approcher de crainte qu’ils ne contaminent tous les autres. Il a assisté à des scènes déchirantes comme une maman, demandant à son enfant fiévreux de ne pas l’approcher. La moindre fièvre devenait suspecte, même si ce n’est qu’un palud.

Nous avons passé des heures à l’écouter, touchés par l’émotion. Nous avons déjà collecté plus de 200 rushes (petites séquences vidéo), à visualiser, classer et organiser pour avoir du matériel lors du montage de notre documentaire. Une chaleur accablante nous écrase, c’est le sauna permanent, je coule littéralement. Nous fonctionnons au groupe électrogène, il faut bien calculer pour recharger les batteries de nos divers instruments au bon moment et ne pas se laisser surprendre.

Vous vous demandez sans doute comment je me débrouille avec mon anglais, il est vrai que le premier jour, je n’ai pas eu à le pratiquer, puisqu’ils étaient tous francophone, mais chez Garry, c’est autre chose. Avec mon anglais d’Oxford, j’ai parfois du mal à tout saisir, aussi Joseph est très précieux pour moi, il complète mes lacunes. C’est lui qui mène les interviews, je suis le cadreur. Aujourd’hui lundi nous retournons sur Monrovia, rencontrer une religieuse de l’hôpital très active durant Ebola et l’évêque de ce diocèse. Je crains d’avoir été un peu long et pourtant, il a tant de choses à partager.

Merci à tous ceux qui m’ont répondu et encouragé, si je trouve un espace disponible, je veillerai à vous répondre individuellement. Bonne semaine à tous !

Gérard Sagnol, sma

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