Il y a un mois, j’ai assisté à la réunion de la commission de dialogue interreligieux, interculturel et œcuménique à Rome. A mon retour, j’ai été intéressé de savoir comment le dialogue que ce soit religieux, culturel ou œcuménique se pratiquait dans le quotidien.
Dialogue difficile pour les jeunes
Au cours de l’assemblée régionale SMA- 2016 du Benin – Niger et à d’autres occasions de rencontres, j’ai posé la même question aux confrères SMA. Il y a eu diverses réponses. Certains disaient que les simples visites gratuites et amicales établissent de bons liens d’amitié, et grâce à ceux-ci, le dialogue était possible. D’autres disaient que c’est par les œuvres sociales pour le développement et la santé que l’on crée l’espace de convivialité. Parmi les diverses réponses, il y en a une qui m’a beaucoup interpellée. Elle est celle-ci : un missionnaire âgé avec une longue expérience de mission répondait, avec beaucoup de peine, que le dialogue était plus facilement possible avec les anciens qu’avec les jeunes d’aujourd’hui. Je pense que cette réponse-là révèle une certaine vérité de notre temps et la réalité de notre milieu Bariba. Les jeunes d’aujourd’hui ne semblent pas avoir un esprit disposé pour le dialogue. Il est donc important de se demander pourquoi le dialogue interreligieux, interculturel et œcuménique est plus compliqué avec eux.
Peu d’intéret pour la culture
Tout d’abord, pour la question du dialogue interculturel, les jeunes du milieu Bariba ne s’intéressent pas ou peu à leur culture. Certaines des danses traditionnelles propres au peuple Bariba sont presqu’oubliées, et les danses « modernes » étrangères leurs sont préférées. Autrefois, pour les fêtes, le mariage ou la cérémonie de mémoire aux défunts, on appelait les conteurs, les danseurs traditionnels et les animateurs de jeux. Aujourd’hui, on loue les baffles, les amplis et la musique résonne dans tout le village durant les trois jours de l’événement. Il en est de même pour l’habillement, la nourriture et le style de vie qui a changé énormément. Ils ne se rendent pas compte qu’ainsi disparait toute la richesse de leur culture. Lorsque vous interpelez les jeunes sur ce point on constate qu’ils n’ont pas conscience de la perte de ces pratiques culturelles et traditionnelles. Les anciens accusent l’éducation comme étant la cause de la banalisation de la culture et des traditions. Or, ce n’est pas la vraie raison.
Ambiance de compétition
Au niveau religieux également, le dialogue ne semble pas important pour une majeure partie des jeunes. Chez eux, il n’y a plus la soif et la recherche sincère pour la convivialité et la paix dans respect mutuel pour la foi de chacun. La foi se vit dans une ambiance de compétition autour du nombre de croyants ou du nombre de lieux de prière. L’incompréhension et le manque de respect mutuel conduit à la méfiance de l’autre. Enfin, la méfiance et la concurrence bloquent tout effort de dialogue. Pourquoi ?
Consomation immédiate et futile
Il y a une attitude dangereuse qui croit de plus en plus ces deux dernières décennies. C’est une tendance de consommation immédiate et futile, le désir de posséder tout et tout de suite. C’est une tendance conduisant à posséder non pas parce qu’on en a besoin mais plutôt parce que l’autre a. Encore plus grave est la précipitation pour l’obtention de ces biens matériels. Ainsi, un gamin de quatorze ans, élève en classe de troisième regarde son frère ainé roulant sur sa moto neuve. Il l’envie tellement qu’un beau matin, on ne le retrouve pas à la maison, ni au village ni à l’école. On n’a pas de nouvelle. Après des mois, il revient avecune moto neuve en récompense d’un travail dur au champ au Nigéria voisin. Voilà l’exemple de précipitation dans la possession des choses. Cette attitude cause une soif intarissable pour l’argent. Car l’argent fait tout, achète tout, remplace tout. On est prêts à abandonner la préparation de son avenir pourvu qu’on gagne rapidement de l’argent. D’un côté cette tendance, et de l’autre se manifeste visiblement le manque d’amour pour les trésors et les valeurs vitales de la vie. Dans ma compréhension de la vie, ce que je considère comme étant ces trésors, ces valeurs de bases et vitales sont le « vivre dans la bonne entente et dans la paix ». Dans le cadre de la vie quotidienne, ces valeurs sont les règles de base. Sous l’ombre de ces règles, tout s’organisait et tout problème se réglait depuis des générations. C’est pour cela que ces valeurs étaient sauvegardées et transmises soigneusement. Mais aujourd’hui, celles-ci sont malheureusement bouleversées et parfois balayées. L’on se moque de l’entente, de l’unité et de la paix.
Culture menacé dans le monde Bariba
Nous vivons un moment critique. L’allure avec lequel le monde Bariba évolue menace la culture, l’Homme entier, de mort. C’est là que s’impose la nécessité de dialogue. Sur nos paroisses, aux séminaires et dans toute rencontre avec les jeunes, il est important de réfléchir et éveiller la conscience sur le sens des valeurs de vie. Il est également important de promouvoir les différentes activités culturelles surtout celles qui risquent de disparaitre. Il est important aussi de réfléchir sur le rôle de l’argent et la consommation de biens matériels. C’est un appel urgent à ce que les jeunes reconnaissent leur rôle d’artisans dans la construction de la paix et de l’unité.
Vincent Xavier Dominique
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