La ville de Bangui a été replongée dans une grave crise sécuritaire ces jours-ci. Les démons de la violence, des destructions et du vandalisme ont certes pris le dessus. Dieu merci la situation est en train de s’apaiser. Le calme revient petit à petit. Mais le dégât est irréversible.
Je suis sorti de justesse de la tourmente. En effet, à l’issue du Conseil permanent de la conférence des Évêques tenu du 22 au 24 septembre 2015, je suis parti de Bangui alors que la crise prenait de l’ampleur. J’ai été personnellement témoin des barricades et des actes de vandalisme alors que je traversais quelques quartiers en vue de sortir de la ville. J’ai pu rentrer à Bossangoa le samedi dernier avant que la ville ne soit complètement bloquée.
Le fait déclencheur est l’assassinat d’un sujet musulman dont le corps a été retrouvé dans l’enceinte de la Fédération des Éleveurs Centrafricains (FNEC) dans le quartier de Combattant à proximité de l’aéroport Bangui M’Poko. Dès le transfert de la dépouille mortelle à la mosquée centrale, la réaction d’une partie de la communauté musulmane a conduit à cette escalade et à ce débordement.
Qui est le commendataire de ce forfait? Il est très difficile de faire la lumière sur cet aspect précis d’autant plus que les versions varient d’une source à une autre. Il faudrait diligenter véritablement une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur cette question. Dans les circonstances actuelles et vu l’endroit où le corps a été retrouvé, tout porte à croire que l’acte serait commis par les anti-balaka en vue d’exacerber les tensions inter-communautaires. Mais selon certains témoignages, le corps serait emmené là tard dans la nuit de vendredi à samedi du 25 au 26 septembre 2015 par un véhicule bourré de militaires. L’absence de trace de sang sur la scène du crime, si l’on considère que la tête de la victime a été tranchée, susciterait des doutes sur l’implication des anti-balaka. Si tel serait le cas, ce serait une très grande orchestration. La question qu’il conviendrait d’élucider est la suivante: le montage est fait par qui et dans quelle intention? En attendant de répondre à toutes ces questions essentielles, la population banguissoise compte ses morts et déplore la perte de ses biens. C’est la désolation et un grand retour en arrière avec une grande partie de la population qui se retrouve malgré elle dans des camps de fortune, surnommés Ledger, et dans des paroisses et centres religieux.
La violence aveugle n’a épargnée personne, ni aucune institution: attaque repoussée par les gendarmes contre la gendarmerie nationale, le ministère de la défense et la radio nationale, pillage et destruction de l’église catholique saint Michel, pillage et destruction de la résidence du pasteur Nicolas GUEREKOYAME-GBANGOU, président de l’Association des Évangéliques de Centrafrique et membre des leaders de la plateforme religieuse, pillage et destruction de la radio Ama, de la communauté musulmane, le siège de la Caritas diocésaine de Bangui et d’autres ONG internationaux établis à Bangui.
Dans ce contexte de confusion, certaines revendications ont été formulées. La société civile réclame la démission du gouvernement de transition, le départ des Français considérés comme instigateurs de toute cette crise, le rétablissement des Forces Armées Centrafricaines (FACA) et l’engagement de la MINUSCA conformément au mandat reçu du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Par ailleurs une coalition d’officiers aurait demandé en vain au président du Parlement de transition (CNT) de prendre la tête d’un nouveau gouvernement.
Certes des initiatives se font jour. Toutefois est-ce la bonne voie pour la sortie de crise dans laquelle est plongé notre pays? La question mérite d’être posée. Je reste convaincu que seule la légalité constitutionnelle à travers les élections libres, indépendantes et transparentes nous sortiraient de ce bourbier de l’insécurité. Le processus est déjà en cours. Il convient de le conforter et de le soutenir.
En ce qui concerne le diocèse de Bossangoa, la ville même est calme sauf quelques régions au nord et à l’est de la préfecture de l’Ouham. Toutefois nous devons continuer à travailler à apaiser les esprits de nos concitoyens à privilégier, en dépit de tout, le dialogue et la recherche de la cohésion sociale.
Je nous confie à vos prières!
+ Nestor NONGO, évêque de Bossangoa
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