DIOCESE DE BOSSANGOA B.P. 1728 BANGUI République Centrafricaine Courriel : nestorsma12@gmail.com Tél : (00 236) 72 53 33 10 (00 236) 75 40 01 80
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S. E. Michel DJOTODIA
Président de transition et chef de l’Etat
Présidence de la République
BANGUI
Centrafrique
PERSPECTIVES DE SORTIE DE CRISE
Excellence,
Au terme du changement politique opéré le 24 mars 2013, la République centrafricaine traverse une crise sans précédent. Des voix se sont levées de part et d’autre pour critiquer et condamner les exactions commises sur les populations civiles : viols, meurtres, assassinats, enlèvements et demande de rançon, spoliation et occupation indue des propriétés d’autrui, vols de bétail, maisons et villages incendiés, destruction de champs… La liste est longue.
Les effets d’un tel comportement discréditent non seulement le pays et ses responsables, mais ils ne sont pas en faveur de notre développement. Les unités de production ont été anéanties. L’administration est presque inexistante. L’état de droit a été bafoué au profit de l’impunité. Ces conditions ont favorisé l’expression d’un ras-le-bol qui se répand à travers tout le pays : Bohong, Paoua, Markounda, Maïtikouloum, Bossangoa, Batangafo, Bouca dans le nord-ouest, Bangui-Bouchia, Mongoumba dans le sud, Bangassou dans l’est…
Le plus inquiétant c’est la fracture intercommunautaire et l’antagonisme grandissant entre les populations musulmanes et les populations chrétiennes. Le vivre-ensemble qui caractérisait les Centrafricains commence à céder le pays à la méfiance et à la haine. Les frères qui ont grandi ensemble et vivaient en bonne intelligence se regardent désormais en chiens de faïence. La suspicion ne fait qu’animer des sentiments de rancœur et d’aigreur. Elle induit la logique de vengeance et de représailles. S’installe alors une spirale de violences avec son lot de victimes. Je dénonce et condamne à cet effet le meurtre par les anti-balaka de 7 chauffeurs musulmans du convoi humanitaire affrété par l’UNICEF survenu à Korom Mpoko sur l’axe Bossangoa-Bossembélé. Il est de notre devoir et de notre responsabilité de mettre un terme à cette barbarie et à cette bêtise humaine que l’histoire ne saura jamais nous pardonner.
Excellence,
Assurer la sécurité à tous les Centrafricains, au-delà de leurs convictions politiques, philosophiques et religieuses est un devoir qui vous incombe. Telles sont leurs attentes à votre égard. La préoccupation des populations à l’intérieur de nos villes et campagnes n’est pas la politique, mais plutôt comment subvenir aux besoins de leurs familles. Plusieurs mois après votre accession au pouvoir, le quotidien de ces personnes est devenu infernal à cause des nombreuses exactions auxquelles elles sont soumises par la faute des seigneurs de guerre qui font la loi et ont le droit de vie et de mort sur nos parents. Ces seigneurs de guerre, qui sont pour la plupart des mercenaires tchadiens et soudanais, ont réussi à radicaliser un peuple pacifique et à antagoniser les Centrafricains les uns contre les autres. La crise à laquelle nous sommes confrontés n’est certes pas religieuse. Notre problème est plutôt les rebelles de la SELEKA que vous avez dissous par décret présidentiel le 13 septembre 2013. Cette décision n’a porté aucun effet d’autant plus que les ex-rebelles de SELEKA continuent à commettre impunément leurs forfaits et exactions. J’en veux pour preuve le cas de Bossangoa. Au terme d’une réunion publique avec les responsables religieux, les responsables militaires issus de la rébellion et ceux de la FOMAC, des résolutions avaient été prises pour apaiser les populations déplacées à l’intérieur de la ville. Malheureusement le Colonel SALET est passé outre toutes ces dispositions. Il a été relevé. Néanmoins ce changement n’a apporté aucun répit aux populations. On déplorait le matin du dimanche 6 octobre 2013 l’assassinat crapuleux d’un jeune aux environs du stade par les éléments du Général Yaya qui menaçait de lancer une roquette sur la cathédrale. Dieu merci il n’a pas mis à exécution cette horrible et criminelle menace. Quelques jours plus tôt avec l’appui des peuhls, les éléments du Général ont pillé le Couvent des Petites Sœurs du Cœur de Jésus situé au quartier Karé. D’un côté on demande aux populations de rentrer chez elles, et de l’autre on continue à sévir sur elles. Telle est la sécurité qu’assurent ces hommes. Comment les populations peuvent-elles se sentir en confiance ?
Le vivre-ensemble est encore possible. Nous pouvons éviter à notre pays et à notre peuple le pire. Les responsables religieux ont fait un formidable travail pour contenir les tensions religieuses et intercommunautaires depuis le déclenchement de cette triste crise. Leurs efforts risquent d’être vains s’ils ne sont pas appuyés par une volonté politique forte, et surtout s’ils sont systématiquement sabotés par des hommes en armes qui ne jouissent d’aucune légitimité. La communauté internationale se tient à nos côtés. Toutefois montrons des gages de notre bonne volonté dans la résolution de cette crise. La dimension sécuritaire est fondamentale et déterminante. Aussi conviendrait-il de :
- rétablir et redéployer les forces régulières (police, gendarmerie, FACA, douane, garde-chasse) sur toute l’étendue du territoire et les doter de moyens adéquats.
- rendre effective la décision de dissolution de la SELEKA
- initier le processus de désarment dans les villes et villages qui vivent encore dans la terreur des hommes en armes
- rétablir et renforcer l’administration dans tout le pays
- appuyer les forces de la MISCA dans leur mission de sécurisation du pays.
Dans l’attente des efforts concertés en vue de la sortie de cette crise, je vous prie d’agréer, Excellence, l’expression de mes vœux de bonheur et de prospérité pour le peuple centrafricain en souffrance.
Fait à Bangui, le 8 octobre 2013
S. E. Mgr Nestor Désiré NONGO AZIAGBIA
Evêque de Bossangoa
Vice-Président de la Conférence des Evêques de Centrafrique (CECA)
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