Neuf mois se sont écoulés depuis le coup d’État militaire survenu en juillet dernier, une durée équivalente à celle d’une gestation. Ce coup, survenu de manière relativement inattendue, a surpris beaucoup par la méthode employée. Le président sortant a été enlevé de sa résidence présidentielle par la garde chargée de le protéger contre toute tentative de coup d’État. La nature cyclique des coups d’État au Niger met en lumière les obstacles dans l’exercice du pacte démocratique entre les partis politiques et la « fragilité » des institutions censées le garantir. Parmi celles-ci, l’armée, qui joue un rôle décisif dans l’organisation démocratique du pays depuis le début de la République, ne peut être négligée.
Ces neuf mois semblent avoir été une période de gestation emplie d’incertitude, tout comme le sable qui envahit les rues, soigneusement nettoyées par les employés municipaux presque quotidiennement, pour revenir invariablement le lendemain. La période de transition a été marquée par un sentiment de précarité, avec la disparition progressive des drapeaux tricolores du pays, emportés par les taxis et les tricycles, devenus de plus en plus nombreux et dangereux. Les rassemblements autrefois animés au stade et les manifestations aux carrefours ont peu à peu cédé la place à la routine du quotidien.
Malgré la réouverture des frontières et la levée des sanctions par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, le soulagement est resté insaisissable pour les pauvres et les entrepreneurs économiques. La pirogue et l’extorsion institutionnalisée demeurent les moyens de relier les deux rives du fleuve Niger à la frontière avec le Bénin. Après avoir chassé les soldats français et gardé discrets les quelques civils restants, c’est maintenant au tour des soldats américains d’être priés de partir. Pendant ce temps, les soldats italiens restent discrets, attendant les équilibres géopolitiques futurs, fournissant une aide humanitaire et une formation aux forces nigériennes.
L’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, pays les plus touchés par le terrorisme, le banditisme et la corruption, vise à apporter une réponse politico-militaire à l’insécurité dramatique des populations. Des millions de personnes sont déplacées dans cette partie du Sahel, avec des milliers d’agriculteurs vivant au bord de la survie. La famine tant redoutée et malheureusement « institutionnalisée » affecte une partie importante de la population. Les choix politiques mettant l’accent sur l’absolutisation des concepts de « souveraineté nationale » et d’« autarcie » ont eu des conséquences sur les populations qui n’ont pas toujours été suffisamment prises en compte.
Peut-être que le point crucial de ces mois de transition/gestation réside dans la difficulté à trouver le cœur du projet politique qui anime le présent. Pour éviter de répéter le passé de l’avenir et l’avenir du passé, la politique, et la démocratie en particulier, ont été inventées. Ce principe de « réalité » devrait placer le Bien Commun, à savoir la justice pour les pauvres, au cœur de ses préoccupations.
Père Mauro Armanino
Niamey, avril 2024
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