Nous vivons dans une époque offrant d’innombrables possibilités. Internet nous les placarde en permanence sur les réseaux sociaux, mais aussi à chaque fois que nous cliquons sur des portails d’actualités, que nous regardons des vidéos YouTube et que nous écoutons des podcasts.
Et nous nous trouvons ainsi scotchés à nos smartphones. Bien évidemment, cela crée de nouvelles dépendences, dites 2.0.
Pour qualifier nos dépendances 2.0. sont apparus de nouveaux termes dont le FOMO et le JOMO.
Que sont-ils? Vous concernent-ils ? Quelle approche chrétienne en fait-on?
Manquer une terre de mission, manquer certaines personnes, manquer un ami, manquer un avion, manquer le bus, manquer une célébration particulière, d’une manière ou d’une autre, nous avons tous vécu des manques.
Même si le scénario semble s’améliorer avec l’avènement d’internet, compte tenu du fait que l’on peut parler en temps réel avec des gens, participer ou se joindre en temps réel à différents événements et être informés, la situation n’est en tout cas pas plus simple : Nous voulons savoir ce qui se passe autour de nous et tweeter à ce sujet. Avec le flux d’informations disponibles, nous voulons toujours être « au courant, » nous voulons être sûrs de ne rien manquer en actualisant nos flux, en consultant de nouvelles pages, de nouveaux messages. Nos soucis de manquer ou de rater quelque chose sont constamment ravivés par les flux d’informations diffusées par les réseaux sociaux. Cette inquiétude est ce qui se réfère au FOMO.
Qu’est-ce que le FOMO ?
Acronyme de « Fear Of Missing Out » signifiant « peur de manquer quelque chose », FOMO traduit le sentiment de passer à côté de quelque chose de fondamentalement important que les autres vivent en ce moment. Il renvoie à l’anxiété qui pousse de nombreuses personnes à rester connectées en permanence pour ne pas risquer de rater un événement, conséquence directe de l’utilisation galopante des technologies numériques, et notamment des réseaux sociaux.
Outre le flux permanent d’informations, accessible du bout des doigts sur n’importe quel téléphone portable, qui peut déclencher le FOMO, un autre déclencheur du FOMO est la quantité de temps libre dont nous disposons. La peur de la solitude, l’oisiveté peuvent induire le FOMO.
FOMO peut s’appliquer à n’importe quel évènement, d’un temps de partage communautaire à un synode ; mais le fait est que cela implique toujours le sentiment d’impuissance de manquer quelque chose.
Le FOMO est vu par certains observateurs comme un nouveau mal du siècle. C’est une sensation insidieuse que vous avez probablement déjà ressentie sans le savoir. Et on peut dire que bon nombre des pires habitudes de nos smartphones sont dues à la FOMOphobie.
Tout le monde en est concerné
Même s’il est particulièrement évident chez les jeunes générations, le FOMO peut être vécu par des personnes de tous âges. En effet, une étude publiée dans la revue Psychiatry Research a révélé que la peur de manquer quelque chose était liée à une utilisation accrue du téléphone et des médias sociaux, ce qui n’a rien à voir avec l’âge ou le sexe.
FOMO façonne nos désirs de l’enfance à l’âge adulte. FOMO est là dans les crises de la quarantaine et tombe dans nos nids vides. FOMO brûle encore dans les vieux jours lorsque le sentiment de manque devient de plus en plus évident.
De par la diversité des réseaux sociaux, la plupart des personnes connectées, qu’elles soient jeunes ou âgées, peuvent être victimes de ce syndrome.
Regardons quelques statistiques :
– En avril 2021, le nombre total d’internautes dans le monde était de 4,72 milliards , soit 60,1 % de la population mondiale (Datareportal) ;
– 7 heures par jour : c’est le temps que les internautes âgés de 16 à 64 ans passent en ligne. Si nous supposons qu’une personne moyenne dort entre 7 et 8 heures par jour, cela signifie que les internautes passent désormais en moyenne plus de 40 % de leur vie éveillée en ligne ;
– Apple en 2013 a publié des données montrant que ses utilisateurs déverrouillent leur appareil en moyenne 80 fois par jour ; pendant ce temps, que ses utilisateurs déverrouillent leur appareil en moyenne 80 fois par jour ; pendant ce temps, les utilisateurs d’Android le font plus de 110 fois par jour. De peur de manquer quelque chose, on vérifie constamment son téléphone portable plusieurs fois par jour.
– 69% des 20-40 ans sont concernés par le FOMO, selon une étude d’Eventbrite. Le pourcentage passe sous la barre des 20 % à partir de 50 ans. En cause, la forte proportion de ces populations à être présentes sur les réseaux sociaux.
Ces statistiques nous donnent une idée claire des victimes plausibles de ce syndrome. Être connecté alimente cette peur de passer à côté et semble être la solution du moment, ce qui, ne l’est évidemment pas.
Origine
Il est affirmé par certains que cette phobie sociale a été identifiée pour la première fois en 1996 par le Dr Dan Herman, qui y voyait une fabuleuse opportunité de marketing. Il a par la suite publié sur ce sujet en 2000 dans le Journal of Brand Management .
Mais, il semble que ce soit Patrick McGinnis, étudiant à la Harvard Business School, qui en 2004, dans un éditorial du magazine étudiant Harbus, fut le premier a formaliser le concept de FOMO. Devant les nombreux événements sociaux dont les étudiants disposaient à portée de main, il décrit précisément comment les deux forces qui guidaient les programmes sociaux des étudiants étaient le « Fear Of Missing Out » et le « Fear Of Better Option » (la peur qu’il y ait toujours une meilleure option que celle qui s’offre à vous et à laquelle, pour cette raison, vous renoncez).
Après une dizaine d’années, le terme FOMO est passé aux oubliettes, jusqu’en 2013, lorsque le chercheur Andrew Przybylski en a parlé dans un article, toujours considéré comme une lecture essentielle pour ceux qui veulent en connaitre davantage sur le FOMO.
Les premières victimes du FOMO
Le FOMO, certainement exacerbé par la technologie contemporaine, n’est pas un phénomène nouveau dans l’histoire humaine. C’est une phobie qui remonte à des expériences humaines anciennes.
Adam et Eve, ont été les premières victimes de FOMO. En d’autres termes, le FOMO a été la première tactique utilisée par Satan pour saboter notre relation avec Dieu. Il a joué sur la tendance humaine naturelle à vouloir être « au courant », et a insinué que Dieu leur retenait quelque chose en ne leur permettant pas de manger de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Incapables de surmonter la peur de manquer quelque chose, ils ont mangé le fruit défendu.
Alors, si une telle peur est ancienne et universelle, où allons-nous maintenant ? Quelle approche faisons-nous du FOMO en tant que chrétiens ? Où meurt le FOMO ?
Un FOMO légitime
FOMO a de nombreuses facettes. Comme nous l’avons souligné, il y a cette peur de rater quelque chose dans la vie ; la peur de manquer une information, qui nous pousse à nous arrêter un instant pour regarder nos mails, les fils d’actualités, les messages. Mais, parmi tous les FOMO qui peuvent exister, il y a un FOMO légitime dont nous devrions tous nous préoccuper, surtout en tant que chrétiens : la peur de l’incrédulité et de manquer l’éternité ou la vie éternelle.
La Bible est claire à ce sujet : «à quoi cela servira-t-il à un homme s’il gagne le monde entier et perd sa propre âme ?» (Mc 8, 36).
Pour paraphraser les paroles de Paul : Je considère tout comme sans valeur à la lumière de ne jamais manquer la valeur incomparable de connaître le Christ Jésus mon Seigneur pour toute l’éternité (Philippiens 3, 8).
Il y a en effet beaucoup de choses, dans ce monde, dans cette vie, qui, manquées, nous seraient bénéfiques.
Le temps du carême nous le rappelle justement : laisser de côté les choses qui nous éloignent de Dieu, de nous-mêmes et des autres.
Du FOMO au JOMO
Aux antipodes du FOMO, se trouve son ennemi juré : le JOMO, « Joy of missing out » traduit « joie de manquer un événement », acronyme inventé par l’entrepreneur Anil Dash, qui s’est engagé dans un dispositif mondial de réduction de la consommation aux ordinateurs, tablettes, smartphones et incite à la déconnexion.
Au lieu d’être une peur, manquer quelque chose peut être une source de joie, comme l’explique Svend Brinkmann, professeur de psychologie à l’université d’Aalborg et auteur de « The Joy of Missing Out » dans une vidéo.
Aussi légitime que peut être la peur de manquer la vie éternelle, c’est toujours une peur ; et la peur, comme le dit saint Jean, « suppose un châtiment, et celui qui craint n’est pas parfait dans l’amour. » La peur ne devrait pas être celle qui nous guide, l’amour devrait le faire ; c’est pourquoi il ne faut pas rester au niveau de ce FOMO légitime mais plutôt passer du FOMO au JOMO. Nous ne devrions pas manquer les choses du monde (les choses du monde en relation aux choses divines) par peur, mais de préférence les manquer par amour, par joie, pour le royaume.
En outre, FOMO peut être apparenté à l’Egypte biblique (un lieu d’esclavage), et le JOMO à la terre promise (le lieu de la liberté).
Si nous n’avons pas encore été submergés par ce nouveau phénomène de société qu’est le FOMO ou même si nous nous retrouvons profondément dans sa gueule, il n’est toujours pas trop tard pour faire demi-tour. Une ligne doit être tirée sur notre désir d’ubiquité – de tout savoir et d’être partout à la fois.
Comme le dit le proverbe, à ne vouloir rien manquer, c’est la vie qu’on finit par manquer.
Brice Ulrich AFFERI
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