Depuis plus de 160 ans, les membres de la SMA ont essayé de vivre, en priorité en Afrique, le charisme hérité du fondateur, aller vers les plus abandonnés, en insistant sur deux axes : la rencontre de ceux et celles qui ne connaissent pas Jésus-Christ et la présence à ceux et celles auxquels la société ne prête pas attention. Ces deux axes sont restés les points de référence des activités sma, mais ces axes ont été mis en œuvre dans des activités différentes selon les contextes et les temps. En effet, tout au long de cette déjà longue histoire, les membres de la SMA, pour parvenir à leur but, ont d’abord considéré ce qui se vivait autour d’eux pour faire des choix sur les activités à mener. C’est ainsi que, même si l’activité catéchuménale est demeurée une constante, nos engagements ont été très variés selon les époques et selon les besoins locaux. Suivant les époques, on a insisté sur l’école, ou sur les déscolarisés ou les enfants de la rue, sur la formation professionnelle agricole ou artisanale, sur les soins de santé, sur le développement surtout en agriculture, sur l’avancée de la Justice et de la Paix notamment dans des pays en guerre, et sur la protection de l’environnement. On a toujours insisté sur la formation d’un clergé local qui permette à l’Eglise de chaque pays d’acquérir son autonomie, sur la connaissance des langues et des cultures qui permet de s’intégrer dans un peuple et qui a conduit certains à des recherches de pionniers, sur l’inculturation, conçue principalement comme la façon de vivre l’amour chrétien dans une culture donnée.
Aujourd’hui encore les membres SMA continuent cette recherche d’une vie missionnaire correspondant à l’aujourd’hui de l’homme et à l’aujourd’hui de Dieu. Le passé sert de référence et permet de conserver les axes de départ. Mais l’Afrique a beaucoup changé, et à un rythme encore plus rapide depuis 50 ans ; il nous faut donc discerner à quoi notre mission nous appelle dans le contexte actuel de mondialisation et de mutation culturelle. Ceux d’entre nous qui sont en Afrique s’efforcent de découvrir la place de notre mission dans une urbanisation accélérée qui modifie énormément les styles de vie et les mentalités et donc les besoins et les difficultés. Nous ne pouvons donc plus rester sur des schémas culturels traditionnels dans tous les lieux où nous sommes ; nous nous posons des questions sur notre façon d’être présents à ces mutations. C’est pourquoi si certaines activités continuent (l’étude des langues par exemple, l’inculturation, les écoles), d’autres innovent (face par exemple aux conflits, aux guerres, à certaines maladies comme le SIDA ou l’Ebola, aux enfants-soldats, aux enfants des rues, aux quartiers suburbains)…
Pour ceux qui sont hors d’Afrique, comme nous ici à Lyon, notre fidélité à l’Afrique est interpelée par une présence de plus en plus importante autour de nous de personnes d’origine africaine. La migration d’Afrique vers l’Europe s’est beaucoup développée depuis les années 1960 et elle a pris différents visages. Depuis le début des années 1990 cette migration devient encore plus intense et plus complexe. Beaucoup de personnes ou de familles se trouvent face à des difficultés graves. On ne peut plus considérer notre mission sans prendre en compte cette réalité de la migration. Notre mission originelle vers les plus abandonnés devient, devant cette situation, aussi importante hors d’Afrique qu’en Afrique même. Est-ce que nous savons et saurons nous situer entre le « choc de civilisation » que certains décrivent comme le seul avenir prévisible du monde et le choix d’une vie ensemble pouvant aller jusqu’à un métissage varié et riche ?
Ce qui vient d’être dit ne doit pas nous faire ignorer que des mouvements migratoires massifs ont lieu à l’intérieur même du continent africain avec les mêmes conséquences dramatiques et les mêmes interpellations pour nous.
A l’occasion de la journée des Migrants, le Pape François a souligné qu’ « à la mondialisation du phénomène migratoire, il faut répondre par la mondialisation de la charité et de la coopération, de manière à humaniser les conditions des migrants ». » Personne, ajoute-t-il, ne doit être considéré inutile, encombrant ou être écarté », a-t-il insisté. Et pour cela, « ne peut suffire la simple tolérance ».
Le Pape a aussi insisté sur la nécessité de lutter contre les « causes qui poussent des peuples entiers à laisser leur terre natale », en faisant preuve de « courage » et de « créativité » pour « développer au niveau mondial un ordre économico-financier plus juste et équitable ». Il s’agit de voir, dans le migrant et dans le réfugié, tant en Afrique qu’en Europe, non pas seulement un problème à affronter, mais un frère et une sœur à accueillir, à respecter et à aimer, une occasion de contribuer à la construction d’une société plus juste, de pays plus solidaires, plus fraternel et une communauté chrétienne plus ouverte, selon l’Évangile.
Ainsi alors que nous nous demandons comment faire face aux mutations actuelles pour être fidèles à notre mission, nous devons nous poser aussi la question suivante : Quel est notre rôle face à l’ampleur que prend la migration, en Afrique comme en Europe ? Comment favoriser le passage d’un monde où les cultures vivent les uns à côté des autres à un monde de l’interculturel ? En quoi consiste pour nous d’actualiser notre charisme face à ce phénomène ? C’est une question qui se pose à la SMA dans son ensemble.
Ainsi les deux axes de notre charisme, la rencontre de ceux qui ne partagent pas notre foi et de ceux qui souffrent ou qui sont dans de grandes difficultés, doivent continuer à donner un esprit évangélique et missionnaire à toutes nos activités, quelles qu’elles soient et où qu’elles soient.
Les Constitutions de la SMA au N°6 disent : « au cours de son histoire la SMA s’est efforcée de rester fidèle à l’esprit de son Fondateur, s’adaptant constamment aux situations nouvelles, et “toujours prête à répondre aux besoins du momentˮ ». Que l’Esprit de Dieu nous accompagne pour mettre cette déclaration en œuvre.
Daniel Cardot, sma
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