Un membre honoraire a publié dans la croix du Bénin l’article suivant et avec sa permission, nous le publions sur notre site…

 

Avertis en songe … ils résolurent de rentrer dans leur pays par un autre chemin. Math (2, 12)

Le temps de l’Epiphanie est celui de la manifestation de joies lumineuses que symbolisent des rencontres inattendues .Le monde entier de l’Amérique à l’Asie et à l’Europe s’allie à l’Océanie et à l’Afrique pour célébrer une année toute neuve, offrir des présents et formuler des vœux. Avec les mages resurgis, des yeux exercés balaient le firmament des futurs de grâces abondantes. Ce qui frappe en particulier, c’est la grande ouverture à l’humanité, ensemble, solidaire, toutes cultures confondues. Crèches, mages, santons et chansons peuplent l’univers des songes et des attentes et nos interrogations sur l’incompréhensible destin de joseph rival de Dieu lui-même ! Impossible de s’en défaire … Les très laïques mairies de la douce Franceviennent d’en faire la plaisante expérience … Tous en effet, en cultures partagées, ont gardé en mémoire la chanson populaire devenue patrimoine commun : Gloire à Dieu au plus haut des cieux et… ‘Pacem in terris’… Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, aux hommes qu’Il aime ! (Luc 2,14) Chez nous, au Bénin, la célébration de l’Epiphanie précède de quelques jours celle des religions endogènes et n’éloigne pas des apparats de rois venus porter à Bethléem des cadeaux princiers à un nouveau souverain, roi des juifs, inquiétude suprême pour Hérode !

Cette Epiphanie, par mystérieuse osmose, s’est donc déployée en Afrique à travers un Dahomey dont un missionnaire audacieux s’est vu fils d’adoption. Il laissa son nom – Francis Aupiais- à un collège, perle d’espérance !

J’évoque l’Epiphanie, Francis Aupiais et ses confrères de l’Institut fondé par Melchior de Brésillac pour illustrer le parcours de salut public offert par Jésus de Nazareth et qui, à mes yeux est lumière de foi sans nuage. C’est obligation de faciliter et d’encourager la découverte et l’expression de l’adhésion sans retour à une évidence, qu’elle vienne de Thomas ou qu’elle émane de Nicodème. Fonder et expliquer en qui et pourquoi l’on croit, c’est ma première démarche celle qui explique ou justifie toutes options et tous engagements. Je viens humblement ici m’y exercer. En juillet 1953, après la joie d’une honorable admission au Baccalauréat à Dakar, j’eus l’heureuse opportunité de partager un libre entretien avec mon professeur de rhétorique comme parfois on disait alors. Le sujet était de savoir la suite … Quelles études supérieures j’allais entreprendre et pour devenir quoi ? Je rêvais de philosophie. Maurice Pinson me persuada de m’intéresser à l’histoire. J’étais son disciple. J’acceptai son conseil.

Je le remercie profondément aujourd’hui car dans un domaine essentiel il a contribué à construire les valeurs devenues pour moi boussole de vie. Ainsi je me suis intéressé à l’histoire humaine de Jésus et notamment aux paroles prononcées après sa mort, à sa réapparition, celles par lesquelles il envoie ses apôtres devenus ses frères en mission, jusqu’aux extrémités de la terre. Ses frères ? –Grande nouveauté ! Immense découverte ! (Jean 20, 17 ; Matthieu 28, 10) L’étonnement étant l’étincelle de la science, initions notre odyssée par l’événement qui met en marche, la fulgur veritatis, ce qui éclate aux yeux de tous.

A Souffert Sous Ponce-Pilate

Un personnage –clé dans la confession de la foi chrétienne a pour nom Ponce-Pilate, sa fonction, son épouse, ses décisions. Il atteste, confirme et authentifie l’histoire humaine de Jésus, Roi des Juifs, par lui condamné au crucifiement Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit !

Notre aïeul carthaginois, le célèbre écrivain et théologien Tertullien (mort en 220) mentionne dans deux passages de son Apologétique, un rapport dans lequel Ponce Pilate aurait raconté à Tibère les miracles et la Passion, mais aussi la Résurrection et l’Ascension de Jésus Nous tenons ici une clé irremplaçable de bonne foi historique. Tout se délite en effet si Pilate s’effondre et se trouve évanouie la figure du libyen Simon de Cyrène, père d’Alexandre et de Rufus, providentielle figure d’Afrique dans la douloureuse et glorieuse épopée de notre rédemption. Sur ce point précis, dans le dialogue priant avec nos frères musulmans, continuons d’implorer l’Esprit !

Davantage, lorsqu’on se remet dans le contexte de l’époque du petit territoire de prédication du nazaréen né à Bethléem, c’était folie de croire à la possibilité de ce que l’on constate 2000 ans après : Jésus largement présent en Papouasie, dans les Andes, au Sahara et chez les vikings, dans les cabanes et les palais, partout… Confions le reste à une mémoire précieusement fidèle : Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre (Act1, 8) Il s’ensuit des interrogations de simple bon sens Que Rome qui par Ponce-Pilate a condamné Jésus, en insistant sur le caractère royal de la victime, devienne le siège du monde chrétien, est-ce seulement hasard et humour des temps ? Que le calendrier romain perde toute valeur et que le temps des hommes et des saisons devienne le temps de Jésus- Christ par toute la terre, rien que normal ?

Et quel étonnement enfin de révélation et de science prophétique si l’on discerne en pure candeur le tout neuf signe lumineux, surgissant des profondeurs africaines, d’une figure d’expression sango ou bantoue pour enseigner aux côtés du successeur de Pierre comment vaincre l’humiliation ! Voilà, symbole sous nos yeux, un cardinal d’Eglise universelle, authentique image de ceux qui n’étaient ni prévus ni attendus mais dont les prophètes annonçaient l’irruption. Ceux venant de l’Orient et de l’Occident et prenant place avec Abraham, Isaac et Jacob. Et que l’Esprit fondateur déjà reconnaissait : D’au delà des fleuves de l’Ethiopie, mes adorateurs, mes enfants dispersés apporteront mon offrande. (Isaïe). Pierres d’attente déjà perçues !

Hormis cette vie quotidienne fondée sur des réalités difficiles à nier, il y a ce dont on se souvient et que tous ont appris. Ainsi encore étudiant, j’ai appris de Claude Bernard que : le fait suggère l’idée, l’idée dirige l’expérience, l’expérience juge l’idée. Ce qui autorise un audacieux raccourci : Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. Lui parlait du sanctuaire de son corps. Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela (Jean, 2, 19-)

Sicut dixit

La même histoire humaine de Jésus de Nazareth nous rappelle les tortures et les massacres, les fosses aux lions qui n’ont pu ébranler pendant des siècles la foi d’ entêtés sans égaux. Alors, quand le hasard des rencontres me conduit dans un sanctuaire de Dassari au Bénin ou d’une banlieue de Melbourne, en Australie, et que l’on chante Jésus de Nazareth en toutes langues parlées jusqu’aux extrémités de la terre, je crois aux paroles prononcées APRES LA RESURRECTION et dont l’expression, la vitalité, le prolongement depuis 2000 ans nous confondent.

Le constat historique auquel il m’est difficile d’échapper me conduit à un aveu et à une démarche. J’ose, comme d’autres, aller vers ce Jésus de Nazareth et lui parler. Il m’est arrivé, comme à Zachée, d’accueillir une réponse. Une réponse claire, précise. Une épiphanie. ! Et donc je sais en qui j’ai mis ma confiance 1 Tim,1,12 – Il vit et il crut .. rapporte l’évangéliste Jean( (jean 20,8) Oui , j’ai vu et donc je crois et je comprends aussi la prudente leçon d’Alexandre Dumas aux jeunes de son époque : Attends, pour nier Dieu, que l’on t’ait bien prouvé qu’il n’existe pas. Il étonnera toujours. , ce Dieu qui aime tous les hommes et ne veut en perdre aucun ! Sublimant toutes audaces et tous héroïsmes qu’il habite ou qu’il hante, sa manifestation incarnée dans l’enfant né de Marie -, Issa ibn Maryam -confirme le Coran – redéfinit la pédagogie de la connaissance par l’expérience et l’évidence du vécu. Elle nous fait découvrir en chacun de nous son immanence créatrice d’épiphanies nouvelles, d’espérances de résurrection suscitant l’extase d’engagements tels que celui d’un témoin toujours actuel :-Jésus vaut toutes les folies nous dit en effet Henri Grouès se muant Abbé Pierre) ! Voilà qui donne toute son immuable dimension à cette Eglise de mission universelle propulsée en Galilée de la montagne que jésus avait désignée (Math 28, 16-20)

Le constat probant est que l’Epiphanie prédite par les Mages , annoncée et proclamée sur la montagne de Galilée demeure et se précise à travers le monde, jusqu’aux extrémités – malgré toutes vicissitudes et en multiples visages .C’est l’immense et vivante assemblée des consciences remuées, en inquiétude et en veille permanentes , qui, par-delà mille frontières, s’interrogent, scrutent les signes, prennent le risque d’incarner le Verbe et de réifier l’Evangile ,assurance de libération de tous par le développement de tous (Paul VI)!

Alors à cause de la misère des foules, au nom de toutes celles, de tous ceux qui confessent chaque nuit de ne plus savoir aimer qu’avec la rage au cœur (Anna Greki), nous voici plongés dans la réalité du songe des mages de Bethléem. Un songe ! Me devrais-je inquiéter d’un songe ? S’est émue Athalie …et C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit… …Interpellés nous- mêmes par le cauchemar bien réel d’un suicide collectif dont nous vivons les prémices, faisons le pari du salut public et osons le saut qui rassure, celui de l’autre chemin ignoré par Hérode coupable et symbole à jamais du plus monstrueux massacre des Innocents.

Revenons à notre aujourd’hui

Reconnaissons ensemble que dans I’ impossibilité de placer un soldat derrière chaque citoyen pour garantir sa protection, la seule option crédible el durable reste celle – incontournable/e – de renforcer tous les mécanismes du VIVRË ENSEMBLE, malgré toutes différences.

L’étoile des éminents chercheurs scrutant les astres , c’est en vérité, la boussole de la paix par le juste chemin , celui des hommes de bonne volonté, des bergers des environs de Bethléem comme des mages venus d’Orient. Gens de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation. » (Apocalypse : 5,9)

Précisons : c’est donc aussi le chemin du dialogue inter religieux et interculturel étroitement conjugué à l’action de développement solidaire.

Cette convergence de la foi et de la raison nous ouvre l’autre chemin et nous prescrit un engagement : Avançons !

 

Albert Tévoédjrè (Frère Melchior)
Epiphanie à Porto-Novo, Benin, janvier 2017, en souvenir du Père Francis Aupiais, sma