Former des prêtres solides : l’union entre croissance humaine et foi profonde


Fr. Don Phiri, SMA

La formation des prêtres catholiques a toujours été au croisement de la théologie, de la psychologie et de la pastorale, cherchant à concilier rigueur spirituelle et développement humain. Une étude récente du p. Don Phiri, SMA — prêtre missionnaire zambien et diplômé du Master en psychologie du conseil de l’Université Tangaza — jette un éclairage nouveau sur cet équilibre délicat.

Réalisée au Grand Séminaire Saint-Dominique de Lusaka, en Zambie, la recherche du p. Phiri met en évidence une dynamique clé dans la formation sacerdotale : la relation entre l’Initiative de Croissance Personnelle (PGI) et l’Engagement Religieux (RC). Ses conclusions suggèrent que les séminaristes qui sont psychologiquement conscients d’eux-mêmes et engagés dans leur développement personnel sont aussi ceux qui manifestent une foi profondément enracinée — soulignant ainsi le rôle fondamental de la formation humaine dans la préparation de prêtres résilients et fidèles.

Les quatre piliers de la formation sacerdotale

Conformément à l’exhortation apostolique Pastores Dabo Vobis et aux documents magistériels qui ont suivi, la formation des prêtres repose sur quatre piliers essentiels :

1. Formation humaine – Maturité émotionnelle, stabilité psychologique, aptitude relationnelle.  
2. Formation intellectuelle– Étude approfondie de la philosophie, de la théologie et des sciences pastorales.  
3. Formation spirituelle– Vie de prière centrée sur le Christ, fidélité sacramentelle et discernement vocationnel.  
4. Formation pastorale – Préparation concrète au ministère, enracinée dans le service du Peuple de Dieu.

L’étude du p. Phiri souligne que la formation humaine constitue la base indispensable à l’intégration des autres dimensions. Sans résilience psychologique ni intégrité émotionnelle, la ferveur spirituelle et l’efficacité pastorale restent fragiles face aux épreuves du ministère.

Résultats clés : des données au service de l’Église

En interrogeant 160 étudiants en théologie au Grand Séminaire Saint-Dominique à l’aide d’outils standardisés — le Personal Growth Initiative Scale-II (PGIS-II) et le Religious Commitment Inventory-10 (RCI-10) — l’étude a révélé plusieurs tendances majeures :

– Initiative de Croissance Personnelle élevée : 55,6 % des séminaristes ont montré une forte initiative de développement personnel, et 25 % un niveau moyen — révélant une majorité de futurs prêtres conscients d’eux-mêmes, réfléchis et engagés dans leur croissance personnelle.

– Engagement religieux fort : 66,3 % des répondants affichaient un haut niveau d’engagement religieux, et seulement 1,3 % un niveau faible — ce qui atteste de l’efficacité du séminaire dans l’enracinement d’une foi solide et durable.

– Corrélation positive significative: L’étude a mis en évidence un coefficient de corrélation de r = 0,402 (p < .000) entre PGI et RC. Cela signifie que ceux qui progressent personnellement grandissent également dans la foi — et inversement.

Ces résultats renforcent l’idée que la formation humaine et la formation spirituelle ne sont pas deux voies parallèles, mais deux dimensions étroitement liées d’un même processus d’intégration vocationnelle.

De la recherche à l’action pastorale

Les conclusions du p. Phiri invitent à repenser la structuration de la formation sacerdotale, notamment dans le contexte africain, où les enjeux liés à la santé mentale des clercs deviennent de plus en plus urgents.

1. Une intégration holistique : Les séminaires devraient intégrer des programmes de développement personnel au cœur de la formation globale — incluant mentorat, accompagnement psychologique et développement de l’intelligence émotionnelle en complément des volets spirituels et intellectuels.

2. Encourager la motivation intrinsèque : Puisque plus de 90 % des séminaristes interrogés ont déclaré être motivés intérieurement à devenir prêtres, les formateurs sont appelés à cultiver cet élan en créant un environnement favorable à l’épanouissement spirituel et psychologique.

3. Prévenir l’épuisement ministériel : Selon des recherches antérieures (Egunjobi, 2019), environ 50 % des prêtres africains souffrent de troubles psychologiques tels que le stress ou la dépression. Un travail précoce sur la croissance personnelle permettrait de doter les futurs prêtres des outils nécessaires pour un ministère sain et durable.

Un chercheur au cœur missionnaire

Ordonné en 2008, le p. Phiri a été envoyé au Libéria post-conflit, où il a été confronté à de graves traumatismes, tant chez les citoyens que chez les réfugiés ivoiriens. Cette expérience lui a révélé les limites d’une formation exclusivement théologique face aux blessures profondes de l’âme humaine. Il a alors décidé de se spécialiser en psychologie du trauma.

Aujourd’hui directeur du programme de Formation Continue Inter-Congrégationnelle (ICOF) en Tanzanie, il met ses recherches au service de la vie religieuse en accompagnant prêtres et consacrés vers un renouveau vocationnel, émotionnel et spirituel.

Vers un sacerdoce plus humain

L’étude du p. Phiri rappelle, avec justesse, que le sacerdoce catholique exige bien plus qu’une compétence théologique ou une habileté pastorale. Il requiert des hommes intégrés — enracinés dans la foi, solides psychologiquement. Face aux défis culturels, sociaux et psychiques du monde actuel, en particulier en terre de mission, cette formation intégrale n’est pas une option, mais une urgence pastorale.

Pour les séminaires, cela suppose de penser la formation comme un processus unifié, où la croissance humaine soutient la vie spirituelle et réciproquement. Pour l’Église, c’est une assurance : investir dans la personne du prêtre, c’est investir dans l’avenir de l’évangélisation.

« La mesure d’un bon prêtre ne se limite pas à ses homélies ou aux sacrements qu’il célèbre, mais se trouve dans l’intégrité de son humanité — car seul un homme pleinement humain peut vraiment guider les autres vers la plénitude. »

À travers le travail du p. Phiri, l’Église ne reçoit pas seulement des statistiques, mais une vision : celle d’un sacerdoce plus humain, plus fidèle, et plus résilient pour le monde de demain.

Par Dominic Wabwireh

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