L’inauguration du Collège Michel Loiret à Copargo Bénin

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L’inauguration du Collège Michel Loiret à Copargo Bénin
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Discours de Dominique Rouquete : Le collège privé inauguré le samedi 26 mars 2022 à Copargo porte le nom de Michel Loiret. Cette inauguration est l’aboutissement de la foi et du travail opiniâtres d’un groupe de six personnes, notamment Anysie et Gildas Legonou, et du soutien financier, apporté essentiellement par l’association « Objectif Solidarité », qui a permis la construction des bâtiments accueillant 4 classes de 25 collégiens et l’approvisionnement en eau par un forage, une pompe et un château d’eau.

Pour ma part, chargé d’un discours en qualité de président de cette association, j’avais souhaité parler de Michel Loiret aux collégiens. Je le connaissais depuis 1979. En plus de nos rencontres en France, j’étais allé le visiter au Bénin cinq fois entre 1980 et 2008. Sans lui, Objectif Solidarité n’aurait pas été créée, Anysie et Gildas Legonou ne seraient pas venus s’installer à Copargo, et donc le collège n’existerait pas, ou du moins, pas de la même manière… J’avais envie de témoigner de qui était réellement Michel Loiret.

Mais comment m’y prendre avec ces garçons et ces filles qui n’avaient pas pu connaître Michel, soit parce qu’ils n’étaient pas encore nés lors de son départ de Copargo en 2010, soit parce qu’ils étaient trop jeunes pour se souvenir de ses 14 ans de présence ici ?

Comment imaginer aujourd’hui toutes les répercussions, toutes les remises en question pour la génération de prêtres à laquelle appartenait Michel Loiret, découlant de la tenue du concile Vatican II de 1962 à 1965 afin de tenir compte de l’émancipation des peuples et des évolutions des sociétés et des idées, et surtout visant à revenir à la pureté des origines de l’Eglise grâce à l’interrogation directe des évangiles et des actes des apôtres ?

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Comment pour ces collégiens imaginer que lors de son arrivée à Copargo en 1996, Michel Loiret était âgé de 60 ans, un âge considéré comme très avancé, que seuls 5% des gens atteignent au Bénin où la moitié de la population a moins de 19 ans ?

Comment imaginer la connaissance du Bénin par Michel dans la durée, lui qui après son service national à Niamey (Niger) comme remplaçant d’un instituteur, était venu pour la première fois en 1961 dans ce pays alors nommé Dahomey, juste après l’Indépendance, lui qui avait vécu à Djougou de 1966 à 1979, notamment durant la période dite « communiste Mathieu Kérékou 1 », puis à Natitingou de 1979 à 1980, puis encore à Cotonou comme supérieur des prêtres SMA de 1982 à 1988 ?

Comment imaginer que, fidèle à l’intuition de Vatican II, lors de son séjour à Djougou, il avait appris le Yom, la langue des Iowas et des Tanékas, et qu’il la parlait couramment et l’écrivait grâce à l’alphabet phonétique ?

Comment imaginer que, de 1989 à 1995, en qualité de membre du conseil provincial qui assure la gouvernance internationale des Missions Africaines, il était chargé des confrères d’Afrique, il s’était ainsi rendu dans la totalité des pays où ceux-ci œuvraient et il y avait découvert bien d’autres réalités africaines ?

Comment donc imaginer que cet homme âgé de 60 ans et riche de toutes ces expériences était venu à Copargo en 1996 avec grand bonheur pour reprendre une activité missionnaire « de terrain », alors que la communauté paroissiale tenait dans une petite chapelle de 50 places ?

Comment imaginer l’œuvre accomplie et l’élan suscité par Michel Loiret à Copargo en 14 ans de présence, toutes les belles constructions laïques ou religieuses, notamment en 2005 la belle église de 500 sièges et surtout ce dont il était le plus fier, la traduction en Yom des évangiles et des lectionnaires, et la composition d’une quarantaine de chants dans cette langue ?

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Comment aussi pour les collégiens imaginer, alors que le buste de Michel trônant devant la paroisse porte une soutane blanche avec sa rangée de petits boutons, qu’il n’a jamais porté un tel habit, qu’il était vêtu à l’européenne et ne revêtait l’aube et l’étole que pour les célébrations ?

Comment pour ces collégiens imaginer qu’il aurait considéré que réussir des études pouvait aussi bien conduire à devenir agriculteur, meunier ou menuisier que fonctionnaire ou professeur parce qu’il avait passé sa jeunesse dans un village agricole et que son père était justement menuisier ?

Comment pour ces jeunes imaginer la simplicité de Michel Loiret, 5ème d’une famille de 14 enfants, sa joie à regarder un match de football et son bonheur le soir de boire une tisane dans le « salon des étoiles » ?

Comment aussi tenter de rendre la manière dont Michel Loiret vivait en missionnaire la « Bonne Nouvelle », avec pour évidence de s’intéresser sincèrement à l’Autre, surtout s’il est différent de soi ?

S’intéresser à l’autre pour comprendre. Quand nous sommes venus en famille en 2003 et 2005, Michel interrogeait beaucoup plus nos enfants que nous-mêmes. Il voulait réellement connaître leur manière de percevoir le monde. Il faisait de même avec toutes les traditions religieuses qui l’entouraient. Il essayait de toujours mieux les comprendre, sans porter de jugements de valeurs ou un regard de supériorité. Pour lui, croire que le « Royaume de Dieu est proche », c’était croire qu’il est déjà là autour de nous et qu’on peut déjà l’apercevoir dans les autres traditions religieuses, comme on peut le percevoir dans l’Ancien Testament.

S’intéresser à l’autre pour apprendre. Lorsque j’ai assisté en 1980 à la formation de 20 catéchistes permanents issus de 15 cultures du Nord du Bénin, les séances quotidiennes portaient sur un thème. Michel commençait par faire lire un texte de l’Ancien Testament, par exemple un extrait de Job pour traiter du malheur qui frappe. Il interrogeait ensuite chacun pour savoir comment ce thème était évoqué dans sa tradition, quels mots, proverbes ou contes étaient utilisés. Il inscrivait les réponses sur un grand tableau. Puis il lançait un échange entre les catéchistes pour interroger les similitudes et les différences de perception. La connaissance finalement enseignée était donc issue d’un partage sans effet de surplomb d’un maître.

S’intéresser à l’autre pour le respecter. Alors que la germination n’est jamais vraiment terminée, Michel ne se préoccupait pas de séparer « le bon grain de l’ivraie » et évitait ainsi des « victimes collatérales » par un excès de zèle.

S’intéresser à l’autre pour répondre à ses attentes exprimées. Michel ne parlait du « chemin de Jésus » qu’à la suite d’une demande clairement exprimée, une fois le respect et la confiance établis. Mais alors, comme le semeur, il adressait généreusement la parole en direction de tous les terrains, le champ labouré, les pierres, les herbes ou le chemin…

S’intéresser à l’autre pour s’en faire un ami. Malgré ce que pouvaient penser et dire les gens sensés, Michel sortait sans cesse à la recherche de nouveaux ouvriers et rémunérait les ouvriers de la dernière heure, de la même mesure tassée et abondante de bienveillance que ceux de la première heure.

Tout cela, je voulais le transmettre à ces collégiens dans mon discours d’inauguration.  Mais comment éviter un discours forcément trop long et partager tout le sens de ce que signifiait étudier dans un collège portant le nom de Michel Loiret ?

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Les collégiens ont présenté des sketches qui ont déclenché l’hilarité lorsque des professeurs y étaient représentés. Quant à moi, j’ai tenté de transmettre la vision du développement du père Michel Loiret (1936-2014), fondée sur une connaissance approfondie de la langue (le yom), des traditions et des réalités locales, et la formation des personnes. Par son aspect ouvert, ce projet y répond parfaitement. Nous avons aussi dévoilé une plaque, et coupé les rubans sur le portail d’entrée et sur le château d’eau. Puis les festivités ont continué par un repas (riz poulet poisson) servi sur les tables-bancs dans les classes. Après, les collégiens ont démarré les danses grâce à la sono.

Dominique Rouquete

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