« Quand les yeux n’ont plus rien où s’accrocher, l’essentiel risque d’apparaître. »
Ce samedi, 13 février 2021, Michel Cartateguy, -Évêque émérite de l’archidiocèse de Niamey-Niger, anime une journée de recueillement intitulé « un jour de sabbat au cœur du désert » pour les 17 pères SMA de huit nationalités différentes vivant ensemble à la MIM, (Maison Internationale Missionnaire) à Lyon. C’est un matin froid précédé d’une journée de neige ; la température extérieure est de -3°C mais la chapelle est bien chauffée.
Modérément habillé pour la saison, l’homme en pantalon noir et pull noir à manches courtes, avec crucifix brillant bleu marine accrochée à sa poitrine, invite ses confrères à imiter Jésus dans le désert ; car « aller dans le désert est son mode de vie ». Mais si c’était nécessaire pour Jésus, « à plus forte raison, c’est important pour nous. »
Arrête -toi, Regarde et Reviens
Pour que le travail soit fait correctement, des outils appropriés sont nécessaires. Dans la même logique, l’ancien archevêque de Niamey invite les pères à adopter trois attitudes importantes ; « 1. Arrête-toi, 2. Regarde et 3. Reviens », citant une homélie du mercredi des Cendres du pape François en 2018. Une invitation à « s’arrêter » et à « se concentrer sur l’essentiel » de la vie. Pour « regarder la vie » et demander « suis-je sur la bonne voie ? » Si c’est oui, va vers « le mieux », mais si c’est non, « tu as alors besoin de conversion ». Et enfin « reviens revivre » avec Jésus et « remarcher à nouveau ».
A l’approche du carême, il est bon d’être avec son Maître et d’apprendre avec lui à prier, à contempler et à aimer. Le Pape François dans une homélie d’entrée en carême avait souhaité 3 attitudes : « Arrête-toi, regarde-toi et reviens ».
Le désert a souvent des caractéristiques difficiles. C’est « un lieu dégradant de soif, de souffrance, de tentation, de découragement, de lutte pour la survie, mais parfois il peut se transformer en un temps de renouveau spirituel ». Mais le maître de retraite dit à ses confrères « quand on choisit d’aller dans le désert, ce n’est plus un lieu, un espace, un terrain vague, une mer de sable, mais un temps de vraie solitude où « le rien » devient « tout » pour aller à l’essentiel et vivre de l’essentiel.
Pourquoi le désert ?
Creusant plus profondément pour les raisons qui ont emmené Jésus dans le désert et pourquoi il est important aujourd’hui, l’évêque émérite souligne sept points que les confrères de la SMA peuvent imiter :
1. Jésus avait vraiment soif de solitude pour être avec son Père.
2. Ce désert doit être, avant tout, une expérience de Dieu dans la foi.
3. C’est un besoin de dire à celui que vous aimez, que vous l’aimez et peut-être d’entendre que vous êtes aimés.
4. Les Évangiles encouragent les gens à chercher, non pas le silence, mais le désert afin de trouver la communion avec Dieu.
5. Nous devons aller dans le désert simplement pour prier le Père avec Jésus, comme Jésus.
6. Nous devons prier avec Jésus tous les jours de notre vie, mais tout comme Jésus allait dans le désert pour se donner à une prière plus intense, nous devons aussi y aller pour une prière plus personnelle, de contemplation plus intérieure, dans une certaine solitude et silence.
7. Nous avons besoin de nous reposer en Jésus en ce moment de désert où nous plaçons tout dans le cœur du Christ, force et faiblesse, sous la lumière du Seigneur.
Prière
Mais pour qu’une expérience du désert soit féconde, à l’exemple de l’Écriture, Michel invite ses frères à prier. « Vous, lorsque vous priez, entrez dans votre chambre, fermez la porte et priez votre Père qui est là dans le lieu secret. » Mat 6,6. La chambre est « où je me sens à l’aise loin des regards des autres … » c’est « là où je suis amené à entrer au-dedans de moi-même ». Très souvent, les distractions abondent. Mais « quand les yeux n’ont plus rien où s’accrocher, l’essentiel risque d’apparaître. » Alors « ma chambre, devenant le désert, sera le lieu de mon intimité avec le Seigneur ».
Les pères de l’ancien 150, ont diverses responsabilités. Certains d’entre eux sont des étudiants, occupés à leurs études. Alors que fermer la porte semble être une chose simple à faire, il met au défi les pères, non seulement de fermer les portes de leurs chambres, mais « chacun de nous sait ce que nous avons à fermer aujourd’hui. L’ordinateur portable, la tablette, le travail, les préoccupations qui m’inquiètent… chacun est libre de rencontrer Dieu dans la vérité ». Il dit aussi que le désert doit aussi être le temps du sabbat. L’Écriture souligne que le jour du sabbat n’est pas un jour ouvrable et « c’est ce que je vous souhaite aujourd’hui dans le désert » afin de « consacrer votre temps au Seigneur ». Car « le Sabbat est fait pour honorer le Seigneur Dieu ». Dt 5,14/ Exode 20,10/35,2. Ceux qui honorent leurs parents sont promis à une longue vie, et ceux qui gardent le sabbat » trouveront leur bonheur dans le Seigneur ». Et c’est le but de ce désert et de ce sabbat, dit-il. D’un autre côté, il dit : « Jésus est sensible à la prière du cœur. Mais dans notre vie en général, c’est la prière qui a moins de succès ».
Alors que les pères prennent des notes et que certains hochent la tête, Michel ajoute qu’« en cette période de Carême, je vous souhaite et j’espère que nous découvrirons avec Jésus que l’essence de la prière passe dans le secret des cœurs ». Afin d’apporter plus de lumière il fait part de son expérience personnelle en Afrique et au Niger en particulier : « Ayant vécu 37 ans dans le monde musulman, j’ai été marqué par ce monde qui prie… un monde défini par la prière… Ceux qui n’appartiennent pas à ce monde sont appelés « ceux qui ne prient pas, ce qui est un peu vexant pour nous ». Le rythme de la journée est marqué par la prière… 5 fois par jour, » et il est « collectif, public et bien réglementé… », montrant que « l’homme n’a de sens que dans l’alliance de Dieu ». Dans cette expérience, « … c’est la prière personnelle de cœur en cœur qui m’a séduit » et « cette permanence de prière me dit qu’il y a de vrais hommes de Dieu dans l’Islam, même si je n’ai pas la même conception de la prière ».
Michel recommande à ses confrères de regarder le comportement de Jésus dans les évangiles des cinq dimanches de cette période de carême et ajoute que « la prière est une exigence d’amour ». Empruntant à la formule de prière du bienheureux Charles de Foucauld : « prier, c’est penser à Dieu en l’aimant », il dit : « Pour qu’il y ait prière, il faut à la fois de la pensée et de l’amour ». Il compare la prière à « un combat parce qu’il est de l’ordre de l’amour et de l’abandon à l’autre ».
Enfin, « Votre Père est là dans un endroit secret. » La vraie solitude, le vrai secret de la personne priante n’est pas dans la fuite des hommes, mais en présence de Dieu. Michel conclut en invitant les pères à « faire de notre silence le lieu de la communication de Dieu ».
Par Dominic Wabwireh
Laisser un commentaire