Les révoltes populaires, faites de sang et de morts, récemment en République Démocratique du Congo et actuellement en Côte d’Ivoire nous donnent encore l’occasion de réfléchir sur la question de l’Afrique et du Pouvoir.
En effet, au cœur de toutes ces crises socio-politiques, qui minent, rongent et déciment le continent africain, se trouve la question de la notion et de la gestion du Pouvoir. L’homme africain aime et adore le pouvoir. L’attitude scandaleuse et déconcertante des ses leaders politiques et voir même de ses leaders religieux dans la gestion du Pouvoir, en est une expression parfaite. Le Pouvoir dans la mentalité africaine est synonyme de puissance. Une puissance, aux allures de divinités, qui s’exerce et s’éternise pour maintenir les autres sous contrôle et sous manipulation comme dit Jésus : Les chefs des nations païennes commandent en maîtres et les grands font sentir leur pouvoir
(Mt 20 :25). L’Afrique est victime de ses filles et fils, malades de leur soif inétenchable du Pouvoir absolu. Cette vision du Pouvoir qui se dit en termes de domination et de règne absolu prend, au fait, ses racines dans l’espace culturel africain. L’Afrique est un continent, avec un système politique culturel traditionnel, fait de chefferie et de royauté. Dans la tradition africaine, le pouvoir ne se trouve que dans les mains d’un individu qui se répand dans son unique famille et dans sa seule lignée, tribu, et clan. Un individu, une famille, une lignée est née uniquement pour régner et pour gouverner et par conséquent tous les autres sont nés pour être gouvernés et pour subir les effets du pouvoir des autres. La monopolisation du pouvoir est une réalité propre à la culture africaine. Cette monopolisation du pouvoir a aussi des conséquences dans la gestion des richesses du pays. Les détenteurs du pouvoir emmagasinent et monopolisent à eux seuls les biens de tous. Du coup, ils vivent dans un luxe opulent et pompeux au détriment des autres qui se contentent des miettes et croupissent dans la misère. La monopolisation du pouvoir est route toute faite au tribalisme, avec l’unique mentalité que seules les personnes de mon clan et de mon ethnie ont droit de cité à mes yeux. Malheureusement, les années passent, les mentalités évoluent, mais cette tendance culturelle de monopolisation du pouvoir par un individu, par une famille, par un groupe de personne, continue d’avoir de l’impact sur la vie socio-politique, culturelle et religieuse du continent. Une partie de la population, des familles comme Faure au Togo, Bongo au Gabon, Kabila en République du Congo, Kenyatta au Kenya, continuent de monopoliser le pouvoir et de faire sentir leur pouvoir pendant que l’autre partie de la population, exaspérée par une telle vision de la gestion du pouvoir essaie tant bien que mal de s’en libérer. Le désir de maintenir le pouvoir et de se maintenir au pouvoir et l’envie de mettre fin à cette vision de monopolisation du pouvoir sont deux forces qui s’affrontent et se combattent plongeant le continent de manière continuelle dans la violence et dans le sang. Sans aucun doute, un grand nombre de conflits sont nés et continuent de naitre et continueront de naitre sur le continent africain à cause de cette mentalité de monopolisation du pouvoir et de son caractère oppressif et destructif exercé par les dirigeants africains. Le pouvoir jusqu’ à la lie, est la source de nos malheurs en tant que contiennent et peuple africain.
Sans risque de se tromper, nous pouvons affirmer que le pouvoir, reste une dimension de la mentalité et de la culture africaine qui a besoin d’être évangélisée, qui a besoin de la lumière de l’évangile afin qu’il soit vécu selon la vision et le dessein de Dieu pour le bien du peuple. Il faut le rappeler avec force et courage que le pouvoir vient de Dieu. C’est Dieu qui a établi le Pouvoir et l’a confié à des hommes ordinaires qui sont chargés de l’exercer avec compétence, fidélité et justice comme le souligne le livre d’Isaïe : le roi règnera selon la justice, et les princes gouverneront avec droiture
(Isaïe. 32 :1,2). Au cœur de la dynamique du Pouvoir se trouve la notion de service qui demeure la raison d’être de tout Pouvoir tant politique que religieux. En effet, le livre du Deutéronome le stipule clairement : le cœur du roi ne s’élèvera pas au-dessus de ses frères. Mais sera au service du peuple et cherchera son bien-être tel que le seigneur de l’alliance l’a indiqué
(Dt.17 :20). Le modèle par excellence comme beaucoup de chercheurs l’on mainte fois souligné, reste le Christ. Le Christ a révolutionné la notion du Pouvoir. Le Pouvoir n’est plus saisi en termes de suprématie, de domination, mais en termes de service. Le Christ accepte de prendre la dernière place, pendant que les princes de se continent se battent, se font la guerre pour les premières places. Les Christ offre son sang pour l’ultime sacrifice de tous, contrairement aux rois de notre Afrique qui chaque jour font couler à flot le sang de leur peuple. Le Christ va à la recherche de la brebis perdue, alors que nos seigneurs d’Afrique se réjouissent de la brebis perdue ou même organisent les kinapping, les enlèvements et les assassinats de leurs propres brebis pour protéger leur pouvoir. Le Christ refuse de se laisser enfermer dans les liens familiaux, les liens tribaux et ethniques pour s’ ouvrir à l’ universel, à tout homme et à toute femme capable d’accepter et de mettre en pratique la loi de Dieu, comme il l’affirme lui-même : ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique
(Luc.8 :21) et aussi quiconque fait la volonté de mon père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère
(Mt.12 :50). Le tribalisme n’est en aucun cas caractéristique de la gestion du Pouvoir dans le royaume du Christ, mais l’unique catalyseur de son pouvoir reste l’unique volonté de Dieu. Une volonté qui se dit et se décèle en terme d’amour, d’unité, de partage et par-dessus tout du vivre ensemble comme un seul et unique peuple : Vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu
( Jer. 30 :22). Le Christ refuse de s’accrocher au Pouvoir de ce monde, qui est temporaire, qui est passager, pour se focaliser sur les réalités d’en haut qui sont éternelles. Beaucoup de nos leaders ont du mal à saisir cette réalité éphémère du Pouvoir terrestre. Plus que jamais, une évangélisation profonde de la notion du Pouvoir dans la culture africaine reste fondamentale. Elle passe nécessairement par la promotion d’une nouvelle culture et voir même d’une nouvelle civilisation qui éduque et forme les consciences à cette forme accomplit du Pouvoir que le Christ incarne. L’éducation et la formation des consciences à la lumière des valeurs évangéliques restent la clé du salut pour le continent africain.
P. Donald ZAGORE, SMA
Laisser un commentaire