M. Fumiaki Yanagisawa est venu de Tokyo pour connaître les idées du Père Aupiais
Vous êtes chercheur de l’Université de Tokyo. En mars 2016, vous avez passé une dizaine de jours dans les archives des Missions Africaines à Rome. Vous cherchiez des informations sur le Père Aupiais. D’où vous vient cet intérêt pour lui, et comment avez-vous connu ce missionnaire ?
À Tokyo, j’enseigne l’introduction à l’esthétique dans plusieurs Universités. Quand j’ai fait mon doctorat sur les arts africains, j’ai découvert un livre de Georges Hardy, écrit dans les années 1920, intitulé L’art nègre.
Ce livre m’a beaucoup intéressé, car son auteur était un ancien administrateur colonial et Directeur de l’École coloniale à Paris. Il avait donc un point de vue différent de celui des critiques d’art. Or ce Georges Hardy a aussi écrit une vie du P. Aupiais. Il l’avait connu au Sénégal en 1915, où le P. Aupiais était mobilisé pendant la guerre de 1914-1918. Leurs idées sur le respect des cultures africaines coïncidaient. C’est Hardy qui m’a amené à Aupiais.
Et le P. Aupiais vous intéressait ?
À son époque, le public européen pensait que les masques et statues d’Afrique étaient des idoles, des objets fétiches qu’il fallait détruire. Aupiais a jugé ces objets représentatifs de la culture africaine, il les a vus comme des œuvres d’art. Il a donc œuvré pour faire changer les mentalités. Un phénomène semblable avait existé au Japon, à la fin du XIXe siècle : des chercheurs européens ont introduit le même état d’esprit. Nos statues de Bouddah étaient cachées au fond des temples, et eux, ces chercheurs, ont demandé qu’on les montre et même qu’on les dépose dans des musées pour qu’elles y soient considérées comme des œuvres d’art et des témoignages de la culture d’un peuple. Ce changement de la manière de considérer les objets m’intéresse, et je regarde les œuvres d’Aupiais comme importantes pour comprendre les objets africains en Europe.
Est-ce votre Université qui vous a payé ce voyage à Rome ?
C’est la Fondation Mitsubishi qui a subventionné ma recherche. Grâce à un livre de Martine Balard sur le Père Aupiais, dans lequel elle présentait clairement ses sources, je savais où trouver de la documentation. J’ai commencé par passer trois jours à Paris, où je suis allé à l’Académie des Sciences d’Outremer, puis à la Grande Bibliothèque Mitterand. Puis j’ai passé trois jours à Lyon, au Musée africain (150 cours Gambetta) et surtout dans sa bibliothèque. Là, ils possèdent la collection du bulletin La Reconnaissance africaine, éditée par Aupiais. Et enfin j’ai passé dix jours à Rome.
Combien d’étudiants suivent vos cours d’introduction à l’esthétique à Tokyo ?
L’effectif va de deux à une centaine d’étudiants, selon les cours. Mais ce sont des cours de culture générale, dans le domaine des sciences humaines… et ils ne débouchent pas sur des diplômes d’ingénieurs ! Les sciences naturelles ou physiques ont plus de succès. Elles débouchent sur des emplois. Notre gouvernement a tendance à réduire les budgets alloués aux sciences humaines. Et pourtant, ce sont des domaines importants, pour comprendre le monde, et pour comprendre comment naissent les différents points de vue qui expliquent la diversité.
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