« Le terrorisme n’a pas sa place dans l’Islam…. Nous devons parler comme toujours, d’une seule voix pour condamner tous les actes de terrorisme, condamner ces terroristes partout où ils sont et nous faisons de notre mieux en tant que musulmans pour assurer que la paix règne dans notre communauté ». C’est le cœur du message de Sokoto, Muhammad Sa’ad Abubakar III, Sultan et président nigérian Conseil suprême des affaires islamiques (NSCIA) qu’il a prononcé lors d’une session spéciale de prière le week-end dernier.
Organisé par la même NSCIA à la mosquée nationale d’Abuja, cet événement a été largement couvert par les médias nigérians. Il a également reçu une couverture médiatique très large et positive ici, à Rome, à partir de la Radio Vatican. Je félicite le Sultan pour sa déclaration audacieuse. Cela m’a donné le courage de dire, tout haut une réflexion qui trotte dans mon esprit depuis un certain temps maintenant.
La plus grande nation islamo-chrétienne du monde
Pendant longtemps, nous nous sommes servi de notre la fierté en tant que Nigérians pour entretenir habituellement de bonnes relations entre nos deux grandes communautés religieuses. Nous nous sommes décrits comme «la plus grande nation islamo-chrétienne dans le monde ». C’est pour mettre en évidence qu’il n’existe pas de nation dans le monde avec autant de chrétiens et autant de musulmans qui vivent ensemble à nombre presque égal et d’une manière vraiment pacifique.
Nous avons connu des situations de conflits “inter-religieux” avec perte de vie et des biens. Mais nous avions l’habitude de les rejeter comme des anomalies survenant quelques jours dans l’année. Nous avons attribué ces anomalies aux actions et déclarations de petits groupes d’extrémistes aux extrémités de la fracture religieuse. En d’autres temps, nous blâmions la manipulation et l’abus de la religion par des personnes ayant des ambitions politiques, ethniques et sociales. Souvent, tous ces facteurs se confondent.
Le rôle de la religion est devenu évident dans ces événements
Mais nous commençons à nous étonner de la répétition chronique de ces incidents “anormaux”. Le rôle de la religion est devenu de plus en plus évident dans ces événements, que ce soit directement ou indirectement. La plupart des violents conflits religieux viennent d’extrémistes musulmans ciblant des objectifs chrétiens. Cela a également été en grande partie une affaire du Nord. Les documents à ce sujet sont clairs.
Ils ont lié leur activité meurtrière au non « d’Allah »
Tout cela s’est considérablement aggravée avec l’émergence de la secte Boko Haram. Ils ont élevé le niveau de destruction et de cruauté aux dimensions inhumaines. Ils ont également lié l’exercice de leurs activités meurtrières au nom de « Allah » et ont donné à l’islam une mauvaise réputation. Nous ne savons pas combien ils sont, mais ils sont assez pour constituer un danger majeur pour la nation tout entière. Comme un poison, vous en avez besoin seulement d’un peu pour tuer beaucoup de gens. Ils sont également devenus une source de préoccupation pour la communauté internationale, ayant maintenant acquis le mérite douteux d’une mention au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies.
Le gouvernement ne devrait pas fermer les yeux sur la question religieuse
Comment pouvons-nous sortir de « cette situation très grave» que le Sultan décrit à juste titre notre situation actuelle? L’enlèvement des plus de 250 filles de l’école est sans doute très grave, et nous prions pour que nos filles soient de retour à la maison bientôt. Mais c’est seulement un symptôme tragique de la question plus large du terrorisme, qui doit être abordée à partir de ses racines. La complexité du problème exige une approche non seulement militaire, mais aussi politique et économique et par dessus tout religieuse. Je tiens particulièrement à attirer l’attention sur cette réflexion. Le gouvernement doit saisir cette dimension dans ses stratégies pour une solution durable au problème. Le gouvernement ne devrait pas fermer les yeux sur la question religieuse. Trop peu d’efforts ont été accomplis dans ce sens.
L’importance de l’appel du Sultan
La communauté musulmane est venue, à plusieurs reprises dans le passé, pour condamner la secte Boko Haram. C’est louable, mais insuffisant. Il n’est certainement pas utile de maintenir que les terroristes ne sont pas musulmans parce qu’ils font des choses qui sont manifestement contraires à ce que la majorité des musulmans pratique. Les canaux du dialogue avec ce groupe, en vue de la paix, impliqueront nécessairement des éléments musulmans qui peuvent approcher ces gens, et qu’ils soient respectés et écoutés par ces derniers. Nous voyons ici la sagesse et l’importance de l’appel du Sultan.
Il ne suffit pas de tolérer les autres religions
Pour aller au-delà la simple condamnation, il me semble qu’il y a un besoin urgent d’un dialogue interne au sein de la communauté musulmane du Nigeria. Un tel dialogue permettrait de faire face courageusement et sincèrement avec les courants et les mouvements qui créent ce genre de climat et d’atmosphère religieux dans lesquels Boko Haram et des groupes similaires émergent et se développent. Il ne suffit pas de condamner la bombe du marché, les massacres dans les villages et les lieux de culte et l’enlèvement d’écolières innocentes. Ce qui est attendu de toute personne à la pensée droite. Mais il est également nécessaire de condamner les positions et les attitudes qui rendent la paix impossibles avec les religieux extrémistes et intolérants. Il ne suffit pas de simplement tolérer les autres religions, considérés peut-être comme indésirable. Il est également nécessaire de respecter les convictions religieuses de chacun et d’accepter la réalité de notre nation multi-religieuse comme étant dans le plan du Dieu que nous adorons tous. Notre liberté de religion a à voir avec la liberté de dire la vérité de notre foi. Il ne peut pas être permis d’insulter et dénigrer les autres, encore moins de fomenter la violence et la haine. Il est certainement du devoir de l’État de faire respecter et d’assurer le bon ordre et traiter fermement tous les fauteurs de troubles. Mais il est du plus grand devoir des autorités religieuses de promouvoir la paix et l’harmonie entre les enfants de Dieu dans notre pays.
Nous devrions tous nous réveiller pour sauver notre nation
Tous les efforts en ce sens méritent l’encouragement de la nation tout entière, à commencer par le gouvernement. La communauté chrétienne doit aussi accueillir et soutenir ces efforts, en vue de “resserrer les rangs entre les Nigérians”, comme l’a judicieusement suggéré Sultan. À cet égard, il faut dire que ce n’est pas le moment pour le Conseil Nigérian inter-religieux, (NIREC) de s’endormir. Nous devrions tous nous réveiller pour sauver notre nation, avant qu’il ne soit trop tard.
quatrième lettre de Rome
du cardinal John Cardinal Onaiyekan, Archevêque d’Abuja. 27 mai 2014
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